Le café, une plante menacée

Après plusieurs semaine (mois) de procrastination, je me suis enfin motivé pour écrire ce que j'ai appris d'une étude scientifique sur le café. Tout le texte ci dessous est paraphrasé/copié d'une étude scientifique (en anglais) datant de janvier 2019 sur les risques d'extinction du café. Je mettrai bien sûr le lien de  l'étude.
Désolé pour les fautes d'orthographes qui vont vous faire tomber les bras, je ferai des relectures ; ou de grammaires, le texte étant traduit de l'anglais par mes soins. J'espère que la lecture vous plaira.

Prérequis

J'utilise des abréviations anglaises durant tout le poste que je n'ai pas pu traduire en français.
CLR : Coffee Leaf Rust. Littéralement rouille des feuilles de café. Maladie causée par un champignon.
CWR : Crop Wild Relatives. Le pendant sauvage d'une espèce.

INTRODUCTION

Le café en temps qu’espèce cultivée et sauvage

Le café est l’une des boisson les plus consommées au monde, un secteur pesant plusieurs milliards de dollars. Comme la production de café est en grande majorité entre les mains de petites fermes, vivre de la production de café peut rapporter gros. On estime à 100 millions le nombre de personnes dépendant du café (producteurs).
La vente de café repose sur 2 espèces : Arabica (Coffea arabica) 60% du marché et Robusta (Coffea canephora) 40% du marché.

Arabica est cultivé depuis au moins 700 ans et récolté depuis des millénaires. Les premières traces écrites de l’exploitation du Robusta date du milieu de 19ème siècles mais est en réalité probablement plus ancienne de plusieurs centaines d’années. Il existe aussi le café Liberica qui n’a pas perduré à cause d’un mauvais résultat en tasse.

Robusta gagne du terrain sur Arabica

Robusta n’a été reconnu officiellement comme un espèce de café qu’en 1897. La culture en dehors de l’Afrique s’est développé rapidement, remplaçant les cafés Arabica et Liberica. Robusta a gagné du terrain face à Arabica notamment grâce à sa résistance au Coffee Leaf Rust ou CLR (littéralement la rouille des feuilles de café), rendement plus élevé et des prix à la vente plus faible. Bien que ses qualités gustatives sont inférieurs à Arabica, il est utilisé pour sa teneur élevée en caféine et son habilité à ajouter du corps à un blend. C’est aujourd’hui l’espèce reine du café en poudre instantanée.
Robusta a déjà été utilisé pour créer une espèce résistant au CLR, le café Timor, un croisement d’Arabica et de Robusta. Robusta est un exemple de comment une espèce découverte récemment a transformé une espèce globalement utilisée.

Les espèces sauvages comme ressource pour la survie du café

Malgré le succès agronomique et économique d’Arabica et Robusta, une myriade de nouvelles menaces sont maintenant manifestes pour l’industrie du café. Ces menaces inclues :

• changement climatique. Plus particulièrement la fréquence et la durée des sécheresses
  
• la propagation et la sévérité grandissante des champignons pathogènes, CLR pour Arabica en Amérique Central et du Sud ; et Coffee Wilt Desease (CWD) pour Robusta en Afrique
  
• emergence et propagation de maladie et peste
  
• facteurs sociaux
  
• facteurs économiques
  

La réponse face à ces menaces devra être organisée et globale. Les variantes sauvages d’Arabica et Robusta auront un rôle primordial, mais également celle des autres espèces. Bien que non consommés, les espèces sauvages seront nécessaires à la survie du café (diversité génétique).
Les espèces sauvages seront appelées Crop Wild Relatives (CWR) dans la suite du post.

La plupart des consommateurs ignorent qu’il existe plus de 2 espèces de cafés dans le monde. Il existe 124 espèces de cafés, poussant sauvagement en Afrique Tropicale, les îles de l’Océan Indien (Madagascar, Comores, Mascareignes), Asie et Australasie. Ces espèces ont des qualités utiles pour le développement du café : tolérance à la sécheresse, peste, maladie, taux de caféine faible ou bas.

Au vu de l’importance des espèces sauvages dans la survie de l’industrie du café, 2 questions se posent :

• Quel est le risque d’extinction des espèces sauvages ?
  
• Quelles espèces devront être conservées et développées en priorité ?
  

RESULTATS (attention ça va faire mal)

Au moins 60% des espèces de cafés sont menacées

La liste rouge de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), créée en 1964, constitue l'inventaire mondial le plus complet de l'état de conservation global des espèces végétales et animales. Elle se présente sous la forme d'une base de données en ligne régulièrement actualisée, exposant la situation de plus de 96 900 espèces (version 20183) sur les 1,8 million d'espèces connues.

Il existe plusieurs catégories dans lesquelles sont classées les espèces :

• EX (EXtinct) : Espèce disparue
  
• EW (Extinct in the Wild) : Espèce disparue, survivant uniquement en élevage
  
• CR (CRitically endangered) : Espèce en danger critique d'extinction
  
• EN (ENdangered) : Espèce en danger
  
• VU (VUlnerable) : Espèce vulnérable
  
• NT (Near Threatened) : Espèce quasi menacée
  
• LC (Least Concern) : Préoccupation mineure
  
• DD (Data Deficient) : Données insuffisantes
  
• NE (Not Evaluated) : Non évalué
  

Une espèce est considérée menacée si elle est CR ou EN ou VU. Sur les 124 espèces de cafés, 75 (60%) sont menacées :

• 13 CR
  
• 40 EN
  
• 22 VU
  
• 35 NT ou LC
  
• 14 DD
  

Le nombre de 60% est une estimation basse. En effet, parmi les 14 espèces DD (Données insuffisantes), 9 n’ont pas été vues depuis 1940, 5 d’entre elles (tout asiatiques) n’existent que dans des registres. Il y a de grandes chances que ces espèces soient menacées voire disparues.


L’étude sépare les 124 espèces en 3 groupes appelé CWR group priority I, II et III. Le groupe I contient les espèces qu’il faut conserver et protéger en premières.
Le groupe I contient 4 espèces :

• les 3 seules espèces cultivées : C. arabica, C. canephora (Robusta) et C. liberica
  
• C. eugenioides, un des parents d’Arabica, le 2ème étant C. canephora (Robusta).
  

Parmi ces 4 espèces, seule Arabica est menacée (EN : espèce en danger).

Le groupe II contient 38 espèces dont 23 (61%) menacées. Le groupe III contient 82 espèces dont 51 (62%) menacées.

A partir d’ici, l’étude abord le point de la redondance des espèces afin d’assurer leur futur. C’est exactement le même principe que la sauvegarde des données de votre disque dur. Il existe le concept de sauvegarde 3-2-1 pour assurer la conservation de nos données en cas de catastrophe :

• 3 copies des données
  
• 2 supports différents : disque dur interne et externe
  
• 1 hors site : cloud par exemple
  

Pour le café, c’est pareil :

• 3 lieux de conservations
  
• 2 locales : la plantation sauvage + une autre in situ, c’est-à-dire un endroit protégé dans la même région/pays. Par exemple un parc national ou une réserve naturelle
  
• 1 ex situ, dans un endroit qui a aucun rapport. Dans une germplasm par exemple.
  

Vous êtes-vous déjà demandé comment vous mangerez des fraises si une attaque nucléaire détruit toutes les fraises du monde ? Une germplasm est un endroit dans lequel on conserve des milliers de graines, plantes, fleurs ou même bactéries dans le but de préserver la diversité génétique des espèces afin de réaliser des croisements ou simplement les conserver. C’est une sorte de banque de germe.

Situation ex situ

55% des 124 espèces de cafés sont conservées ex situ.
Pour les espèces les plus en danger, CR (Espèce en danger critique d'extinction), 23% sont conservées ex situ.
100% des espèces du groupe I dont conservées ex situ.

Situation in situ

72% des 124 espèces apparaissent dans au moins 1 espace protégé (in situ).
100% des espèces du groupe I dont conservées in situ.

Au total, la présence in situ est plus élevée que la présence ex situ : 72% contre 55%.
10% des 124 espèces n’ont aucune présence, in situ ou ex situ, dont 7 espèces CR (Espèce en danger critique d'extinction).

Analyse

A 60%, la proportion d’espèces menacées est élevée comparée au chiffre global toutes plantes confondues qui est de 22%.

Plus de la moitié (52%) des espèces des groupes I et II ne sont pas conservées ex situ. Stocker du café ex situ est difficile et cher. Comparé à d’autre espèces, les graines de cafés sont récalcitrantes, pas stockable avec les méthodes traditionnelles (faible humidité et basse température). La cryopréservation des graines et la culture in vitro sont possibles et sont de meilleurs options, mais ces méthodes sont réservées aux espèces principales (Arabica et Robusta).

Comme dit plus haut, 72% des 124 espèces sont présentes in situ. Mais ça ne garantie pas une couverture géographique élevée d’une même espèce de café. Pour Arabica, seulement 4% (1681 km²) de la surface potentielle pouvant accueillir des plants sont contenues dans des endroits protégés en Ethiopie et Soudan du Sud.

Une espèce présente in situ ne veut pas dire quelle est conservée et sauvée à jamais. Une espèce a une présence in situ si elle pousse dans un endroit protégé comme un parc national ou une réserve naturelle. Mais rien n’indique que du personnel formé est présent pour en prendre soin.

Les facteurs des risques d’extinction du café sont : peu et dans peu d’endroit. Une zone géographique et écologique distinct où une seule menace affecte tous les sujets. Pour presque toutes les espèces, il y a un déclin constant de la qualité et de l’étendue de l’habitat disponible. Dû à la déforestation, agriculture, réchauffement climatique.

Il y a de grande chance que les espèces sauvages soient de nouveaux utilisées pour fournir des solutions aux problèmes de production d’Arabica et Robusta lié aux maladies, Coffee Leaf Rust, la peste et changement climatique.

En définitive, il est important de conserver les espèces sauvages existantes in situ, pour assurer la préservation de la diversité génétique et ex situ.

Fin

N'hésitez pas si questions ou précisions requises.

Bonus - Statistiques intéressantes

Madagascar est le plus grand foyer de café sauvage au monde avec 60 espèces, suivi par la Tanzanie (17) et le Cameroun (16).

La région la plus menacée est Madagascar et les îles de l’océan Indien avec 75% des espèces qui y poussent menacées.

Il y a 63 espèces de cafés dans cette région. Suivi de l’Afrique de l’ouest (24) et l’Afrique de l’est (20).

Source et documents complémentaires

Source : https://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaav3473
Schéma et chiffres : https://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaav3473/tab-figures-data
PDF détaillant par pays, espèces, régions + des cartes (à partir de la page 6 : https://advances.sciencemag.org/highwire/filestream/210380/field_highwire_adjunct_files/0/aav3473_SM.pdf

Merci pour le partage. Pas spécialement étonné, pourquoi le café échapperait à une tendance générale du monde du vivant, animal ou végétal ?

Mais la prise de conscience est déjà une première étape...

Nicolas

Je suis. En attente du reste

waw, super boulot !

Niveau procrastination ça va je trouve, tu te flagelle inutilement, traduire en mai une étude parue en janvier, j'ai vu (fait) pire

je suis aussi

PS :
Beaucoup d'espèces menacée à Mada, mais parce que c'est aussi le plus gros "réservoir" d'espèces de café, si je ne m'abuse ?

A lire sur le Liberica, qui est cultivé aux Philippines :
http://coffeebehindthescenes.com/fr/2019/03/07/les-philippines---ce-pays-au-café-très-très-spécial/

Merci pour ce premier épisode. J'attends avec impatience.
ça me rappel que j'ai un reportage photo à faire de mes visites de plantations de café en janvier 2017. Gloups!

Hello, merci pour ça. Du coup tu peux poster le lien vers l'étude? Si je comprends bien, c'est sur le risque pour la biodiversité et les plants de café sauvages que porte cette étude. D'autres études (ou bien la seconde partie de la tienne?) vont jusqu'à affirmer que même cultivé le café va subir les effets du réchauffement et que la production mondiale a chuter. Des infos là-dessus?

L'étude traite du niveau d'extinction du café en tant que plante sauvage et de l'importance de la conservation et du développement de toutes les espèces de cafés, même celles non consommées. Justement pour sauver l'exploitation du café qui ne cultive que 2 des 124 espèces existantes. Le maintien d'une espèces ne peut se fait que par de la diversité (génétique). En gros, le métissage peut aider sur le long terme.
La suite traitera des solutions et de la complexité d'une telle tâche.

Post mise à jour

Merci !

Merci.

Il y a aux US une banque de graines pour le tabac , banque accessible aux planteurs ' (avant aussi aux amateurs mais des abus eurent lieu du fait de la gratuité) pour renouveler régulièrement les graines.... quid du café ?...

Il y avait 3000 espèces (ou espèces et variétés) de blé dans un conservatoire en Irak.
Parties en fumée (vous savez, les frappes chirurgicales....)

La concentration est toujours un problème, mais il y a des limites physiques et financières à vouloir tout conserver dans plein d'endroits différents.

Certes... Le café ne fait pas partie de notre culture... je veux dire par là que la vigne est subventionnée, lobbyisée ( existe pas comme mot !) , et ce de façon culturelle, on a besoin de vin depuis 2000 ans en France. ( 7000 si on se réfère à d'autres religions)

Pour le café, rien je pense et comme la majorité accepte des cafés infects ( idem pour le pain d'ailleurs et tant d'autres produits) faire prendre conscience aux états qu'il faut mettre la main au portefeuille pour subventionner un conservatoire à Mada ( ou ailleurs) va être difficile...