L’heureux cas d’Eureka
+3
jpp
r0bin
pootoogoo
7 participants
Page 1 sur 1
L’heureux cas d’Eureka
Première partie : les débuts de la marque.
« Eureka », la marque de machines à café est originaire de Gênes. Elle est à ne pas confondre avec le fabriquant de moulins Eureka, toujours actif à Florence, et dont l’activité a été initiée par Aurélio Conti et fils (Valerio et Sergio) au début des années 60.¹
L’Eureka des machines à levier, c’est d’abord une affaire de torréfaction; puis une histoire de famille et de gros poissons qui mangent les petits : Domenico et Ugo Merialdi fondent en 1933 la société Ekaf, qui devient rapidement la plus grande entreprise de torréfaction de Ligurie (la partie côtière de l’Italie situé pile au Nord de la Corse).
La famille Merialdi est spécialiste incontestée du café italien et leur marque phare, bien en vue sur les paquets, est « Eureka ». Leur entreprise prospère, grossit et ils finissent par mettre la main en 1988 sur la société Génoise A. Filicori, autre acteur majeur de la torréfaction Italienne dont la compagnie avait été fondée en 1883 par Archimede Filicori… juste avant de se faire racheter à leur tour en 1991 par la famille Pieri, propriétaire de la marque Columbia de Livourne (Livorno), fondée en 1946 par Amleto Pieri et fils (Umberto et Sergio). Chez Columbia, comme dans le reste de l’Italie, tout est une affaire de famille : ce sont les fils de Sergio (Paolo, Luigi, Marco, Giovanni et Antonio) qui perpétueront la tradition après lui.²
L’Eureka des machines à levier, c’est d’abord une affaire de torréfaction; puis une histoire de famille et de gros poissons qui mangent les petits : Domenico et Ugo Merialdi fondent en 1933 la société Ekaf, qui devient rapidement la plus grande entreprise de torréfaction de Ligurie (la partie côtière de l’Italie situé pile au Nord de la Corse).
La famille Merialdi est spécialiste incontestée du café italien et leur marque phare, bien en vue sur les paquets, est « Eureka ». Leur entreprise prospère, grossit et ils finissent par mettre la main en 1988 sur la société Génoise A. Filicori, autre acteur majeur de la torréfaction Italienne dont la compagnie avait été fondée en 1883 par Archimede Filicori… juste avant de se faire racheter à leur tour en 1991 par la famille Pieri, propriétaire de la marque Columbia de Livourne (Livorno), fondée en 1946 par Amleto Pieri et fils (Umberto et Sergio). Chez Columbia, comme dans le reste de l’Italie, tout est une affaire de famille : ce sont les fils de Sergio (Paolo, Luigi, Marco, Giovanni et Antonio) qui perpétueront la tradition après lui.²
1. 1949 : Premier dépôt de la marque de café torréfié « Eureka » par Domenico Merialdi. Le logo inclus une tasse à café fumante tenue par un "petit nègre" ³ et le slogan « Eureka, Pour bien digérer ». Il semble que « Ugo » ou « F.lli » (pour fratelli) ait été effacé du logo en avant de Merialdi.
La réunion des 3 grandes familles du café Ligurien (Merialdi, Filicori et Pieri) donnera naissance en 1996 au groupe Cellini, une des grandes marques actuelles de café italien.⁴
2. Il y a au moins deux Merialdi sur cette photo de 1966 : la légende sur le site de la Covim ⁵ dit « Fiore et Ugo » mais « Fiore » est inconnu(e) au bataillon. Ce sont plutôt Demenico et Ugo qui seraient au premier plan (je n’ai identifié qu’Adone Macoggi et Osvaldo Picci, les 2e et 3e en partant de la gauche, Paolo Guglielmoni serait le 4e en bout de table).
C’est en cette qualité de torréfacteur et de gros distributeur de café après-guerre (un peu à l’exemple des cafés « Haïti » et leur marque de machines à café H.M.C. qui deviendra « Record ») que la famille Merialdi s’intéresse très tôt au marché des machines à café, en « à côté » si l’on peut dire. C’est donc une des rares nouvelles marques à se lancer dans cette production dès 1952, alors que Gaggia et FAEMA occupent quasiment seuls le marché des nouvelles machines à « Crema di caffè ».
3. Fin 1952 : Le "petit nègre" ³ est toujours là mais il ne reste qu’ « Eureka, Merialdi » pour la nouvelle marque de machines à café espresso déposée par Ugo Merialdi.
Eureka, à travers Ugo et Domenico Merialdi, effectuent différents dépôts de marques, brevets d’invention et brevets pour modèles. D’après cette chronologie, on peut identifier au moins trois périodes distinctes de production chez Eureka : de 1952 à 1954, de 1954 à 1957 et l’autre après 1957-1958. Or il y a 4 modèles connus de machines « Eureka », dont une seule est précisément datée. Sans accès aux archives italiennes pour en avoir le cœur net, on ne peut que spéculer et se baser sur le style des différentes machines, sur leur ressemblance avec des modèles d’autres marques, ainsi que sur des détails dans la conception : le style des logos, celui du groupe levier, le niveau d’eau à l’extérieur ou pas… etc. en essayant de les mettre dans un ordre logique.
4. Brevet Autrichien AT203163 déposé le 15 juin 1954 pour le même mécanisme, intitulé « Robinet pour machines à espresso ».
5. Brevet anglais (GB 765801) déposé le 6 aout 1954, comprenant une innovation au niveau du mécanisme de compression du ressort (soit 4 ans après le brevet d’Ernesto Valente présentant un mécanisme similaire et 7 après le premier brevet d’Achille Gaggia), intitulé « Améliorations apportées ou liées aux dispositifs d’opération des machines à café ».
6. Brevets pour modèle déposés en Italie les 18 octobre 1954, 23 février 1957 et 13 avril 1957. Respectivement pour une «Machine à café de bar», «Un groupe à vapeur pour machine à café» et une «Machine à café destinée à être installée sur un mur».
Aussi, pour le premier modèle de la marque, je penche fortement pour le modèle 1 groupe identifiable par son sigle rouge en plexiglass sur l’arrière et, par-dessus tout, son groupe très différent du groupe caractéristique Eureka. On peut en effet penser que la marque a débuté avec un style « classique » de groupe avant d’opter pour un style très distinctif. De plus, le niveau d’eau sur cette machine est à l'avant de la façade, ce qui est plutôt caractéristique des premières machines espresso. Quant au lettrage des logos, il est mixte : une forme très classique sur l’arrière en lettres capitales et une graphie très cursive sur les robinets, proche du logo original de 1949.
7. Ce qui est certainement le premier modèle de machine espresso à levier de la marque « Eureka » : présentant un groupe qui n’est pas le groupe typique d’Eureka mais qui ressemble aux premiers dessins du brevet déposé par la marque.
Ce qui me fait situer cette machine entre 1952 et 1954, c’est aussi sa ressemblance avec une machine à levier assez rare, produite à Bergamo (au Nord-Est de Milan, à 200km de Gênes) par l’ « Officine Maffioletti » et vendue par la marque « Lacattaneo » (avec un grand M vert dans le dos, barré du nom de la marque). Or ce modèle a été produit avant 1952 car à cette date Giovanni Cattaneo s’était déjà lancé dans l’automatisation de ses groupes levier.
8. Ce qui est certainement la première machine à levier 1 groupe en dehors des marques FAEMA et Gaggia, il s'agit d'une machine "Maffioletti" aussi connue sous la marque "Lacattaneo" de Bologne.⁶
9. À gauche: Publicité de 1953 pour la marque "Lacattaneo" de Bologne et son groupe complètement automatique (et électrique). À droite: photo du stand de Giovanni Cattaneo à la foire de Milan de 1952, on aperçoit déjà le groupe automatique sur l'affiche du fond.
Notes :
_____________________________________________________
¹. Leur site mentionne 1920 comme débuts de l’activité mais sans aucune rubrique l’histoire de la compagnie, restons donc septiques. Il y a bien une entreprise « Ditta Conti-Moretta » qui enregistre la marque « Eureka » à Moretta en 1924 mais pour la production de « beurre artificiel et produits laitiers ». Le premier dépôt de marque Eureka spécifiquement lié à la production de moulins à café (par Aurelio Conti à Florence) date du 1e juin 1960.
². Genova Impresa n° 4-2017, p. 46-47 : https://www.confindustria.ge.it/genova-impresa/121-genova-impresa/1241-genova-impresa-n-4-2017.html
³. N’en déplaise aux intégristes de la rectitude politique qui voudraient effacer l’histoire en censurant les termes coloniaux de l’époque.
⁴. Histoire de la maison Cellini : https://cellinicaffe.it/en/history/
⁵. Histoire de la Coveca / COVIM : https://www.covimcaffe.it/covim-2/50-anni-di-storia/
⁶. Les photos de la machine complète viennent du livre « Espresso Made in Italy, 1901-1962 » d’Enrico Maltoni (p. 74). Les autres montrant des détails viennent d'un coucou allemand réputé pour s'approprier les photos des autres, je ne sais donc pas leur origine précise.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Micco, franvespa, BleuzenFlow, Denis835, r0bin, metasystem, regis30 et aiment ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
encore un bel article de qualité
r0bin- Date d'inscription : 14/06/2013
Machine à café : Rocket Cellini mod MK2, La Pavoni 1954, Faema Velox
Broyeur : Feldgrind 1.2, Mazzer SJ, Mazzer Major, Macdobar Super
Nombre de messages : 3975
Localisation : Hauts de Seine (92)
Re: L’heureux cas d’Eureka
Effectivement !
_________________
La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La
pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Si
la pratique et la théorie sont réunies, rien ne fonctionne et on ne sait pas
pourquoi. (Albert Einstein)
jpp- Modé'tasseur
- Date d'inscription : 04/12/2013
Machine à café : Quick Mill Vetrano 2B
Broyeur : Eureka Zenith 65E
Nombre de messages : 6483
Localisation : Gironde
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Toujours passionnant et admirable d'érudition
Un grand merci
Un grand merci
franvespa- Date d'inscription : 27/01/2013
Machine à café : bezzera strega
Broyeur : grinta, KD30
Nombre de messages : 77
Re: L’heureux cas d’Eureka
Merci pour les bons mots les amis.
Ça m'encourage pour la suite.
Ça m'encourage pour la suite.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Re: L’heureux cas d’Eureka
très intéressant, merci!!
juste une question: ça veut dire quoi "groupe levier automatique"?
juste une question: ça veut dire quoi "groupe levier automatique"?
Alexisvovo- Date d'inscription : 18/08/2017
Machine à café : Faema Lambro, Faemina 1964, Isomac Tea (v2), Brasilia Lady
Broyeur : Mazzer Mini A (SSP), Feldgrind, Brasilia BFD
Nombre de messages : 420
Localisation : Paris
Re: L’heureux cas d’Eureka
J'imagine que tu fais référence à la machine Lacattaneo de la fin: ce n'est pas un "groupe levier automatique" mais un "groupe levier" transformé en "groupe automatique", c'est à dire que la partie inférieure est plus ou moins la même (un piston qui comprime l'eau chaude dans une chambre au-dessus de la mouture) mais cela n'est plus effectuée sous l'action d'un levier qui comprime un ressort qui est ensuite relâché mais "sans effort", soit simplement en pressant un bouton.
Je ne sais pas précisément comment était actionné le piston sur le groupe automatique Lacattaneo, vraisemblablement à travers une pression d'eau, de vapeur, ou un moteur électrique.
Je ne sais pas précisément comment était actionné le piston sur le groupe automatique Lacattaneo, vraisemblablement à travers une pression d'eau, de vapeur, ou un moteur électrique.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Re: L’heureux cas d’Eureka
En effet, le piston levé par un levier et poussé par un ressort est l'invention de Gaggia, une autre invention est venue par la suite pour pousser le piston sans ressort et levier avec de l'eau de la machine, sans force des bras du barista, c'est un semi-automatique hydraulique, bien avant l'invention du semi-automatique à pompe électrique. le barista n'a qu'à ouvrir un robinet, système utilisé par plusieurs marques comme gaggia, faema, la cimbali avec sa machine "Pitagoro"
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
C'est bien ce qui est impressionnant chez Cattaneo: c'est qu'il a fait ça 4 ans avant Cimbali et consorts... Enfin, il y a même plus ancien, mais j'y reviendrai.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
hendasa aime ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
Deuxième partie : l’Alpha et l’Epsilon.
Pour la suite de l'histoire, c'était un vrai travail de détective... je me suis donc habillé comme Adone Macoggi pour poursuivre l'enquête.
10. Adone Macoggi (l'un des fondateurs de la compagnie de café COVECA qui deviendra Covim en 1991) devant un véhicule publicitaire de la marque «Eureka, Machine Crema caffè» en 1956.⁵ Il a certainement travaillé chez Eureka avant de lancer sa propre affaire.
11. Le même Adone Macoggi que sur la photo précédente (au centre et en avant d’une voiture publicitaire de la marque «Eureka»), lors de la Course cycliste Tortona Novi Ligure de 1957.⁵
12. Dépôt de marque "Eureka" de juin 1957, la première par «Eureka S.p.a.», présentant un graphisme très basique et la couverture d’une myriade de produits (machines espresso, machines de torréfaction, de traitement du café, d’éclairage, de réfrigération, de cuisine, production de vapeur, [...] appareils électriques, y compris des moulins à café).
13. Dépôt de marque "Eureka" d’avril 1958 par «Domenico Merialdi – Torréfaction Eureka», présentant un tout nouveau logo, pour du café vert et torréfié.
14. Camion publicitaire et de livraison de la marque Eureka dans les années 60.⁵
La fin des années 50 voit la compagnie Ekaf des frères Merialdi et sa marque Eureka prendre de l’essor.
En observant les photos d’époque et les dépôts de marque s’étalant de 1956 à 1958, on remarque l’apparition de la compagnie «Eureka S.p.a.», qui couvre de nombreux produits connexes à la vente de café, ainsi que la sponsorisation de courses cyclistes, à l’instar de FAEMA. Il y a aussi une transformation du logo d’un style assez fin, en lettres cursives élancées, proche de celui des débuts, à un style plus ramassé et élaboré après 1958, avec une barre supérieure du «k» raccourcie et des fioritures entourant un «ε» stylisé, utilisé comme emblème de la marque (celui de la boite de café présentée au tout début du fil). Toutes ces petites évolutions peuvent servir de guide à la datation des modèles.
C’est ainsi que je situerai la machine dénichée récemment par @hendasa ⁷ juste après celle au dos arrondi et au plexiglas rouge (voir première partie) : d’abord parce que son logo est plus proche de celui de 1956 que de 1958, mais aussi parce que le logo du manomètre est fait de cursives qui rappellent le logo original. Et je le place juste avant le modèle "Superba" car les premiers modèles de cette machine ont eux aussi un tube de niveau situé en avant de la façade (voir en bas à gauche de l’illustration 15).
En observant les photos d’époque et les dépôts de marque s’étalant de 1956 à 1958, on remarque l’apparition de la compagnie «Eureka S.p.a.», qui couvre de nombreux produits connexes à la vente de café, ainsi que la sponsorisation de courses cyclistes, à l’instar de FAEMA. Il y a aussi une transformation du logo d’un style assez fin, en lettres cursives élancées, proche de celui des débuts, à un style plus ramassé et élaboré après 1958, avec une barre supérieure du «k» raccourcie et des fioritures entourant un «ε» stylisé, utilisé comme emblème de la marque (celui de la boite de café présentée au tout début du fil). Toutes ces petites évolutions peuvent servir de guide à la datation des modèles.
C’est ainsi que je situerai la machine dénichée récemment par @hendasa ⁷ juste après celle au dos arrondi et au plexiglas rouge (voir première partie) : d’abord parce que son logo est plus proche de celui de 1956 que de 1958, mais aussi parce que le logo du manomètre est fait de cursives qui rappellent le logo original. Et je le place juste avant le modèle "Superba" car les premiers modèles de cette machine ont eux aussi un tube de niveau situé en avant de la façade (voir en bas à gauche de l’illustration 15).
15. Ce qui est certainement le deuxième modèle de la marque «Eureka» : présentant le groupe typique de la marque avec sa double courbure le long de la chambre du piston. Le modèle 3 groupes présenté a une plaque arrière crénelée de couleur kaki (?) avec un logo de facture relativement ancienne.
Comme je l’ai dit précédemment, c’est un signe d’ancienneté, car c’est ce qui se faisait sur les premières machines espresso. C’était de fait une erreur de conception : le nombre de tubes cassés par la rencontre malencontreuse avec un porte-filtre s'élançant, décidé, du moulin vers le groupe (bling!) ont amené les constructeurs à mieux protéger ces tubes en les déportant en arrière de la façade. Et cette modification a eu lieu dans les années de production de ce modèle puisqu’il existe dans les deux versions (ce qui n'est pas le cas des autres modèles de la marque).
Ce qui, de plus, en fait pour moi le deuxième modèle de la marque, c’est qu’il possède le fameux groupe avec les deux courbures caractéristiques, celui-là même qui est devenu le groupe typique «Eureka». Et bien plus encore, on peut noter que le modèle le plus ancien de la série (celui avec le tube de niveau en avant) possède une version de ce groupe qui semble relativement expérimental, avec un robinet assez inusité sur le côté de la jonction du groupe à la cuve… ce qui renforce la thèse du premier modèle équipé de ce groupe.
Ce qui, de plus, en fait pour moi le deuxième modèle de la marque, c’est qu’il possède le fameux groupe avec les deux courbures caractéristiques, celui-là même qui est devenu le groupe typique «Eureka». Et bien plus encore, on peut noter que le modèle le plus ancien de la série (celui avec le tube de niveau en avant) possède une version de ce groupe qui semble relativement expérimental, avec un robinet assez inusité sur le côté de la jonction du groupe à la cuve… ce qui renforce la thèse du premier modèle équipé de ce groupe.
16. Détail du groupe présent sur le modèle « trapézoïdal » présenté en bas à gauche de l’illustration 15.
Eurêka !
En réfléchissant longuement à ces courbes si particulières sur le groupe, j’ai eu un matin LA révélation, de celles qui vous apparaissent ensuite comme une évidence : ces deux arcs de cercles ne dessinent rien d’autre qu’un epsilon faisant tout le tour du groupe. Le «ε» de Eureka, évidemment !
Autre fait intéressant sur ce deuxième modèle, il existe au moins 3 versions différentes de la plaque arrière, ce qui suggère des hésitations sur le design : d’abord une version assez organique, d’apparence kaki, (trouvée par Hendasa sur Subito.it, voir illustration 15) mais aussi… une version plus proche de l’arrière du modèle précédent, en plexiglas rouge avec un lettrage droit (que l’on peut soupçonner d’avoir été recréé récemment), ou encore (!), un modèle précurseur de l’arrière des "Superba" dans une version beaucoup moins achevée.
On peut rajouter qu’au minimum une de ces versions (... ou une quatrième?) avait un éclairage néon en arrière (comme sur les Superba), puisque l’emplacement est présent sur la machine d’Hendasa.
En réfléchissant longuement à ces courbes si particulières sur le groupe, j’ai eu un matin LA révélation, de celles qui vous apparaissent ensuite comme une évidence : ces deux arcs de cercles ne dessinent rien d’autre qu’un epsilon faisant tout le tour du groupe. Le «ε» de Eureka, évidemment !
Autre fait intéressant sur ce deuxième modèle, il existe au moins 3 versions différentes de la plaque arrière, ce qui suggère des hésitations sur le design : d’abord une version assez organique, d’apparence kaki, (trouvée par Hendasa sur Subito.it, voir illustration 15) mais aussi… une version plus proche de l’arrière du modèle précédent, en plexiglas rouge avec un lettrage droit (que l’on peut soupçonner d’avoir été recréé récemment), ou encore (!), un modèle précurseur de l’arrière des "Superba" dans une version beaucoup moins achevée.
On peut rajouter qu’au minimum une de ces versions (... ou une quatrième?) avait un éclairage néon en arrière (comme sur les Superba), puisque l’emplacement est présent sur la machine d’Hendasa.
17. À gauche, arrière du modèle trapézoïdal ayant certainement été refait à neuf (collection privée de Kent Bakke ⁸) avec plexiglas rouge et lettrage droit. À droite, autre version de la plaque arrière, avec un style préfigurant de façon frappante le modèle «Superba» et faisant ressembler la machine à un poste de radio
Enfin, les formes trapézoïdales de ce modèle sont quasi-identiques à une très rare machine à levier «La Cosmo» de 1952, marque milanaise pionnière des machines espresso (qui peut être admiré dans la collection du Musée Cagliari).⁹ Ses lignes sont aussi très proches du modèle FAEMA Urania, sorti pile en 1954.
Pour toutes ces raisons, je situerai donc la production de ce modèle entre 1954 et 1956, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit complètement remplacé par la Superba, le modèle reconnaissable à son dos mi-calandre automobile, mi-jukebox, que nous allons présenter dans la suite.
Pour toutes ces raisons, je situerai donc la production de ce modèle entre 1954 et 1956, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit complètement remplacé par la Superba, le modèle reconnaissable à son dos mi-calandre automobile, mi-jukebox, que nous allons présenter dans la suite.
18. À gauche, le brevet pour dessin et modèle déposé par FAEMA auprès de l'INPI le 13 juillet 1954. À droite le même modèle précisément (avec ce groupe "à clous" et chemise chauffante jamais vu par ailleurs) trouvé par Davide et présenté par Holger sur Kaffee-netz.¹⁰
19. Modèle Urania présenté sur le stand FAEMA à la 19eme foire du Levant à Bari, en 1955.
Notes :
__________________________________________
⁵. Histoire de la Coveca / COVIM : https://www.covimcaffe.it/covim-2/50-anni-di-storia/
⁷. https://expresso.1fr1.net/t16209-restauration-eureka-annee-60-un-groupe-a-gaz
⁸. Voir https://www.home-barista.com/levers/tour-of-kent-bakke-collection-at-seattle-leverfest-january-13-2018-t50444-30.html
⁹. https://www.collezionecaffecagliari.it/en/collezione/#394
¹⁰. https://www.kaffee-netz.de/threads/faema-urania-boilerlos-senza-caldaia-die-geheimnisvolle-unbekannte.86527/
Dernière édition par pootoogoo le Dim 11 Oct 2020, 19:24, édité 3 fois
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
r0bin aime ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
Merci @pootoogoo, c'est un vrai travail d'inspecteur, bravo.
Mon respect de la machine que je suis en train de restaurer augmente de plus en plus avec tes informations, merci.
Mon respect de la machine que je suis en train de restaurer augmente de plus en plus avec tes informations, merci.
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Troisième partie : l'Eureka Superba.
20. Modèle de machine espresso Eureka connue sous le nom de «Superba». Ses lignes, reconnaissables à sa calandre chromée mi-jukebox, mi-radiateur d'américaine, sont très similaires au dessin du brevet Merialdi de 1954. Le photos du hauts viennent de la collection Maltoni du MUMAC.
Et voilà donc le troisième modèle, qui porte aussi avec lui son lot de mystères.
D’abord je ne sais pas d’où vient ce nom de «Superba» qui lui est attribué et qui n’apparaît ni sur la machine ni sur sa brochure. Le document publicitaire d’époque présente la tasse de café fumante et le petit nègre ² des débuts, apparaissant maintenant dans le style bande dessinée, sous les traits d’un petit boy. L’adresse donnée (via San Martino, 48) correspond bien à celle donnée par Domenico Merialdi sur le brevet britannique de 1954 et à celle apparaissant dans l’annuaire de la «Confederazione generale dell'industria italiana» de 1956. Sur les brevets espagnols de 1957 et dans ce même annuaire en 1958, on trouve une autre adresse (soit «via Bombrini, 7 à Genova-Sampierdarena»), ce qui situerait la publicité avant 1957.
D’abord je ne sais pas d’où vient ce nom de «Superba» qui lui est attribué et qui n’apparaît ni sur la machine ni sur sa brochure. Le document publicitaire d’époque présente la tasse de café fumante et le petit nègre ² des débuts, apparaissant maintenant dans le style bande dessinée, sous les traits d’un petit boy. L’adresse donnée (via San Martino, 48) correspond bien à celle donnée par Domenico Merialdi sur le brevet britannique de 1954 et à celle apparaissant dans l’annuaire de la «Confederazione generale dell'industria italiana» de 1956. Sur les brevets espagnols de 1957 et dans ce même annuaire en 1958, on trouve une autre adresse (soit «via Bombrini, 7 à Genova-Sampierdarena»), ce qui situerait la publicité avant 1957.
21. Brochure publicitaire d’Eureka pour le modèle «Superba», disponible en versions allant de 1 à 4 groupes.
Le modèle appelé «Superba» possède des lignes proches du dessin du brevet de 1954 mais avec un style beaucoup plus achevé. Il en existe aujourd’hui de nombreux exemplaires, prouvant qu’elle a sûrement été produite à grande échelle. Les seules différences visibles entre ces exemplaires disséminés aux quatre coins du monde résident dans la graphie du logo où la barre supérieure du K passe d’un trait long à une forme plus ramassée, effectuant une sorte de morphing entre le logo de 1952 et celui de 1958 (voir prochaine partie). On n’est pas à l’abri d’un restaurateur qui aurait produit à la chaîne des plexiglas suivant un modèle recréé mais c’est assez cohérent avec les dates pressenties : la période de production s’étend certainement de la fin du modèle «trapézoïdal», jusqu’à l’arrivée des «Rapallo», soit de 1956 à 1958.
22. Modèle Astoria «Regina», en tous points identique à la Superba d’Eureka, que l’on retrouve principalement en Australie.
Enfin, est-on jamais vraiment sûr ? Plusieurs indices supplémentaires pourraient bien brouiller les cartes. Il y a d’abord le fait que ce même modèle a été vendu par Astoria sous le nom «Regina». Or, on le verra plus tard, la marque ne passe aux mains d’Astoria qu’après 1958.
Il y a ensuite, ce modèle insolite vendu par la marque «San Giorgio», qui possède des groupes caractéristiques Eureka et a une apparence très similaire au modèle Superba tout en semblant plus ancien, plus proche des lignes du brevet de 1954, avec un tube de niveau en avant de la façade.
Il y a de quoi y perdre son Grec…
San Giorgio, titulaire de la marque pour machines à café espresso déposée en 1946, était un magasin de Turin qui, dans les années 50, revendiquait déjà 40 années d’expérience. Selon toute vraisemblance, elle ne fabriquait pas de machines espresso mais "re-badgeait" des machines d’autres marques en profitant de sa notoriété. Tout au plus, l’entreprise "re-lookait" des machines d’autres marques.
Il y a ensuite, ce modèle insolite vendu par la marque «San Giorgio», qui possède des groupes caractéristiques Eureka et a une apparence très similaire au modèle Superba tout en semblant plus ancien, plus proche des lignes du brevet de 1954, avec un tube de niveau en avant de la façade.
Il y a de quoi y perdre son Grec…
San Giorgio, titulaire de la marque pour machines à café espresso déposée en 1946, était un magasin de Turin qui, dans les années 50, revendiquait déjà 40 années d’expérience. Selon toute vraisemblance, elle ne fabriquait pas de machines espresso mais "re-badgeait" des machines d’autres marques en profitant de sa notoriété. Tout au plus, l’entreprise "re-lookait" des machines d’autres marques.
23. Dépôt de la marque «San Giorgio» pour machine espresso auprès du bureau de Turin et photos d’un modèle de la marque aux lignes très proches de la Superba et équipé des groupes typiques d’Eureka.
24. Brochure de la marque «San Giorgio» pour une machine espresso modèle «Olimpia II» équipée d’un groupe levier de Bresaola (marque Olympia), années 50.
Sur une de ses brochures publicitaires de San Giorgio, on voit par exemple une annonce pour un modèle «Olimpia II». Olimpia est non seulement le nom des premiers modèles à levier «Olympia» mais celui de San Giorgio a précisément le premier groupe levier de la marque Suisse…¹¹ tout en ne correspondant pas vraiment au style de machines de la marque (créée par Luigi Bresaola dans les années 30).¹²
La Regina pourrait être une version exclusivement pour l’exportation gérée par une nouvelle entité créée pour l’occasion (Astoria) ? Et le modèle San Giorgio pourrait aussi bien être une "customisation" du modèle Eureka. Enfin, on n’a pas encore fini d’exhumer des machines insolites et les prochaines apporteront peut-être leurs lots de réponses ou brouilleront encore un peu plus les pistes.
La Regina pourrait être une version exclusivement pour l’exportation gérée par une nouvelle entité créée pour l’occasion (Astoria) ? Et le modèle San Giorgio pourrait aussi bien être une "customisation" du modèle Eureka. Enfin, on n’a pas encore fini d’exhumer des machines insolites et les prochaines apporteront peut-être leurs lots de réponses ou brouilleront encore un peu plus les pistes.
Notes :
__________________________________________
². N’en déplaise aux intégristes de la rectitude politique qui voudraient effacer l’histoire en censurant les termes coloniaux de l’époque.
⁷. https://expresso.1fr1.net/t16209-restauration-eureka-annee-60-un-groupe-a-gaz
¹¹. https://www.olympia-express.ch/en/stories/oldtimer
¹². https://www.kaffee-netz.de/threads/olympia-1954-pressostat.63196/page-2#post-760977
https://www.kaffee-netz.de/threads/olimpia-olympia-gastro-handhebelmaschine.82575/
https://www.kaffee-netz.de/threads/restauration-olimpia-olympia-gastro-handhebel.91434/#post-1113965
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Denis835, r0bin et hendasa aiment ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
Merci encore une fois pour cet article, j'ai pesé le mythique groupe de ma Eureka, il fait avec le levier dans les 8 kg, équipé d'une chemise, donc avec galerie, l'eau par principe du thermosiphon circule et mouille même le ressort, ce qui est rare dans les autres groupes de nos jours.
Pour le passage à Astoria, j'ai scruté le site de cette marque, aucune référence dans l'historique ne le mentionne, alors qu'il s'agit d'un atout.
Merci.
Pour le passage à Astoria, j'ai scruté le site de cette marque, aucune référence dans l'historique ne le mentionne, alors qu'il s'agit d'un atout.
Merci.
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Quatrième et dernière partie : de l’epsilon à l’Astoria.
Bref, le modèle trapézoidal et la Superba ont possiblement été produits avec peu de décalage et à peu près dans les mêmes années mais quand? 54-56 pour le premier et 55-60 pour le deuxième ? Difficile d’avoir des certitudes : et quand on est à peu près sûr des plages de temps, on tombe sur une pièce qui ne s’emboite pas aux autres, ou un nouveau document qui remet tout en question.
Il y a d’abord le brevet pour modèle accordé en 1957 pour un groupe de machine à café (voir illustration 6 de la première partie), qui pourrait très bien correspondre au groupe typique « Eureka », mais comment expliquer alors qu’il ait été utilisé avant?
Il y a d’abord le brevet pour modèle accordé en 1957 pour un groupe de machine à café (voir illustration 6 de la première partie), qui pourrait très bien correspondre au groupe typique « Eureka », mais comment expliquer alors qu’il ait été utilisé avant?
25. Annonces publiques publiées dans la Gazzetta del Mezzogiorno di Bari et La Stampa des 4 et 15 septembre 1956.
Il y a aussi et surtout une nouvelle pièce importante qui vient se rajouter au dossier : en 1956, Ernesto Valente (le patron de FAEMA) attaque en justice Domenico Merialdi pour contrefaçon et gagne le droit de retirer du marché toute machine Eureka possédant le groupe incriminé, car il utilise un mécanisme inventé et déposé par FAEMA.
Il ne peut s’agir que du brevet FAEMA de 1950 (voir «Ascenseur pour l’expresso» épisode 29)¹³ mais alors comment Merialdi a-t-il pu obtenir lui-même un brevet sur un mécanisme similaire en 1954? Il est vrai que le mécanisme utilisé in fine sur son groupe n’est pas celui de son propre brevet mais est plus proche de celui de FAEMA (voir le thread d’Hendasa).⁷ Est-ce ce qui est en question ici? Est-ce que cela explique la rareté des deux premiers modèles de la marque?
La plainte pour contrefaçon touche aussi Victoria Arduino, un acteur majeur dans le monde des machines espresso (voir «Ascenseur pour l’expresso» épisodes 12 à 14).¹³ La Victoria Arduino avait sorti son groupe «Duplex» en 1952, soit à peu près au même moment que la sortie du premier modèle Eureka. Domenico Merialdi, nouvellement débarqué dans le monde des machines espresso, a dû être honoré de se retrouver jugé aux côtés d’un acteur aussi prestigieux. Ça voulait dire qu’il avait suffisamment dérangé le géant FAEMA pour s’en faire remarquer. Et c’est vraisemblablement devant le succès de la Superba que cela est arrivé. Peut-être n’était-ce au fond qu’un coup de pression de Valente pour faire payer des droits d’utilisation aux deux compagnies, car incontestablement, aucune des deux n’a arrêté à ce moment-là de produire des machines équipées d’un groupe levier.
Mais cela semble avoir sonné comme un avertissement pour Eureka, qui se lance à partir de 57-58 dans l’automatisation de ses machines, tout en continuant de produire des modèles à levier munies de son célèbre groupe. En sont témoins les dépôts de brevets effectués par «Eureka S.p,a.», et le lancement de son nouveau modèle, la «Rapallo» en 1958.
Il ne peut s’agir que du brevet FAEMA de 1950 (voir «Ascenseur pour l’expresso» épisode 29)¹³ mais alors comment Merialdi a-t-il pu obtenir lui-même un brevet sur un mécanisme similaire en 1954? Il est vrai que le mécanisme utilisé in fine sur son groupe n’est pas celui de son propre brevet mais est plus proche de celui de FAEMA (voir le thread d’Hendasa).⁷ Est-ce ce qui est en question ici? Est-ce que cela explique la rareté des deux premiers modèles de la marque?
La plainte pour contrefaçon touche aussi Victoria Arduino, un acteur majeur dans le monde des machines espresso (voir «Ascenseur pour l’expresso» épisodes 12 à 14).¹³ La Victoria Arduino avait sorti son groupe «Duplex» en 1952, soit à peu près au même moment que la sortie du premier modèle Eureka. Domenico Merialdi, nouvellement débarqué dans le monde des machines espresso, a dû être honoré de se retrouver jugé aux côtés d’un acteur aussi prestigieux. Ça voulait dire qu’il avait suffisamment dérangé le géant FAEMA pour s’en faire remarquer. Et c’est vraisemblablement devant le succès de la Superba que cela est arrivé. Peut-être n’était-ce au fond qu’un coup de pression de Valente pour faire payer des droits d’utilisation aux deux compagnies, car incontestablement, aucune des deux n’a arrêté à ce moment-là de produire des machines équipées d’un groupe levier.
Mais cela semble avoir sonné comme un avertissement pour Eureka, qui se lance à partir de 57-58 dans l’automatisation de ses machines, tout en continuant de produire des modèles à levier munies de son célèbre groupe. En sont témoins les dépôts de brevets effectués par «Eureka S.p,a.», et le lancement de son nouveau modèle, la «Rapallo» en 1958.
26. Brevet ES235230 déposé par Eureka S.A. le 4 mai 1957 (et le 26 mars 1957 en Italie) pour une « Machine pour la préparation de café en tasse munie d'un dosage automatique ».
27. Brevet ES239311 déposé par Eureka S.A. le 27 décembre 1957 (et le 8 octobre 1957 en Italie) pour « Améliorations dans l'alimentation automatique en eau chaude et du dosage automatique pour machine à café».
28. Brevet pour dessin et modèle du 25 juin 1958 déposé par « Officine Eureka ».
29. Brevet pour dessin et modèle déposé en Espagne le 24 janvier 1958 par «Eureka S.p.a.», avec illustrations. La description correspond en tous points au brevet italien et correspond au modèle «Rapallo». À droite, photos de ce modèle de la collection Maltoni du MUMAC.
Ce dernier né de la marque Eureka est décrit dans un brevet pour modèle italien comme la machine ayant la forme d’un S stylisé, avec un panneau arrière décoré d’étoiles. On retrouve les mêmes termes dans le brevet pour modèle déposé en Espagne le 24 janvier 1958, et qui correspond précisément au modèle appelé « Rapallo » (le nom d’une station balnéaire à proximité de Gênes).
Le modèle perdurera tout au long des années 60, et sera le dernier de la marque. On le retrouve dans la collection Maltoni exposée au MUMAC, avec un logo très proche de celui de 1958 mais avec un «e» à la place du «ε» (voir illustration 13). Plus tard, ce «e» se changera en «a», le a de Astoria.
Le modèle perdurera tout au long des années 60, et sera le dernier de la marque. On le retrouve dans la collection Maltoni exposée au MUMAC, avec un logo très proche de celui de 1958 mais avec un «e» à la place du «ε» (voir illustration 13). Plus tard, ce «e» se changera en «a», le a de Astoria.
30. Brochures publicitaires de la marque «Astoria» pour le modèle «Eureka» série «Rapallo». On y voit différentes versions, avec groupe levier ou groupe automatique, apparent ou caché par un coffret métallique.
Il semble qu’Eureka ait cédé toute ses activités machine à espresso à la marque Astoria au début des années 60. Je n’ai pas trouvé précisément quand, ni beaucoup d’information sur les débuts de cette entreprise. Bien au contraire, le site d’Astoria (marque toujours active et au sein du groupe CMA), situe ses débuts en 1969,¹⁴ ce qui parait assez étrange puisque le modèle «Superba» a aussi été vendu sous cette marque (voir illustration 22). Astoria a même gardé le modèle Rapallo dans sa gamme jusqu’à tout récemment, équipé de groupes leviers ou de groupes à pompe (dont le design rappelle franchement les premiers groupes TRR - Termo Riscaldamento Regolato - de FAEMA). On retrouve écrit dans une brochure publicitaire, que le modèle à pompe est le premier modèle produit par la marque… en 1968 (soit un an avant la date qu’ils situent eux-mêmes comme leurs débuts ).
31. Brochure publicitaire de la marque «Astoria» pour une réédition du modèle «Rapallo» en 2015.
32. Dépôt de la marque «Astoria» (no spécifiquement liée aux machines espresso) en 1941 et 1951 par Romolo Scarimagli et Luciano Pini (Officine Italia de Bologne). Elle couvre des moulins à cafés, appareils de torréfaction, presse-agrumes et autres appareils électriques. Scarimagli et Pini étaient en affaire depuis au moins 1939 et rattachés à la marque de moulins à café «Cosmos».
On retrouve bien une marque «Astoria» rattachée à des machines à café espresso en 1951, mais il n’est pas sûr qu’elle soit liée à la marque qui nous intéresse. D’abord parce qu’elle est de Bologne, ce qui est relativement éloigné de Gênes mais aussi de Susegana, emplacement actuel de la compagnie Astoria CMA. De plus, elle ne couvre pas spécifiquement les machines espresso.
L’avenir nous en apprendra peut-être d’avantage sur cette histoire… qui n’intéresse de toute façon qu’une poignée de personnes, ce qui en fait à la fois son charme et sa faiblesse.
L’avenir nous en apprendra peut-être d’avantage sur cette histoire… qui n’intéresse de toute façon qu’une poignée de personnes, ce qui en fait à la fois son charme et sa faiblesse.
Notes :
__________________________________________
⁷. https://expresso.1fr1.net/t16209-restauration-eureka-annee-60-un-groupe-a-gaz
¹³. https://cafeoblog.wordpress.com/2018/09/09/ascenseur-pour-lexpresso-le-sommaire/
¹⁴. https://astoria.com/fr/astoria/histoire/
Dernière édition par pootoogoo le Sam 31 Oct 2020, 16:08, édité 1 fois
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Denis835, r0bin et hendasa aiment ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
@pootoogoo : Vous écrivez : "L’avenir nous en apprendra peut-être d’avantage sur cette histoire… qui n’intéresse de toute façon qu’une poignée de personnes, ce qui en fait à la fois son charme et sa faiblesse."
La marque Astoria n'intéresse sans doute qu'une petite poignée de personnes, mais c'est toute votre démarche qui est passionnante et qui peut intéresser un grand nombre.
"Les enquêtes de l'inspecteur Pootoogoo", ou comment rechercher et exploiter tous les indices (brochures, brevets, photos, machines rescapées,...) pour reconstituer l'histoire d'une invention, la machine à espresso.
Je trouve cela captivant, grâce à vous nous revivons à travers l'exemple de l'espresso tout un pan de l'histoire de l'industrie "domestique" du 20e siècle.
Merci !
La marque Astoria n'intéresse sans doute qu'une petite poignée de personnes, mais c'est toute votre démarche qui est passionnante et qui peut intéresser un grand nombre.
"Les enquêtes de l'inspecteur Pootoogoo", ou comment rechercher et exploiter tous les indices (brochures, brevets, photos, machines rescapées,...) pour reconstituer l'histoire d'une invention, la machine à espresso.
Je trouve cela captivant, grâce à vous nous revivons à travers l'exemple de l'espresso tout un pan de l'histoire de l'industrie "domestique" du 20e siècle.
Merci !
Audois- Date d'inscription : 26/09/2020
Age : 76
Machine à café : ECM Classika PID, piston Bodum
Broyeur : Niche Zero
Nombre de messages : 43
Localisation : Aude
pootoogoo aime ce message
Re: L’heureux cas d’Eureka
Merci @Audois.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Re: L’heureux cas d’Eureka
Super @pootoogoo
Il a toujours une histoire derrière chaque machine, mais rares sont-elles les histoires passionnantes car elles ne sont que pour les machines exceptionnelles.
Il a toujours une histoire derrière chaque machine, mais rares sont-elles les histoires passionnantes car elles ne sont que pour les machines exceptionnelles.
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
pootoogoo aime ce message
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Bonjour @pootoogoo
pour confirmer ta version sur l'existence d'un éclairage néon sur la face arrière de la machine, j'ai demandé plus de photos à quelqu'un en Italie, qui a proposé sa machine (identique à la mienne) en vente.
Voilà la face arrière.
On voit aussi la fixation pour la plaque de plexiglas mais malheureusement absente sur la photo.
pour confirmer ta version sur l'existence d'un éclairage néon sur la face arrière de la machine, j'ai demandé plus de photos à quelqu'un en Italie, qui a proposé sa machine (identique à la mienne) en vente.
Voilà la face arrière.
On voit aussi la fixation pour la plaque de plexiglas mais malheureusement absente sur la photo.
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Cool.
Ça semble correspondre à cette plaque:
C'est la version la plus facile à refaire en tout cas.
Ça semble correspondre à cette plaque:
C'est la version la plus facile à refaire en tout cas.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Re: L’heureux cas d’Eureka
Est ce que le nom de ce modèle est "Genova" ? C'est énigmatique un modèle sans nom !
Je n'ai trouvé aucune plaque sur la machine, il y a justoe "027" qui est gravé sur presque toute les pièces de la structure (chaudière, panneaux etc ) et NF 815 sur l'avant de la machine sur la base.
Panneaux arrière.
Chaudière.
Base
Je n'ai trouvé aucune plaque sur la machine, il y a justoe "027" qui est gravé sur presque toute les pièces de la structure (chaudière, panneaux etc ) et NF 815 sur l'avant de la machine sur la base.
Panneaux arrière.
Chaudière.
Base
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
Re: L’heureux cas d’Eureka
Non, Genova est le lieu de fabrication.
Les modèles n'avaient pas forcément de noms d'ailleurs.
Allez, pour te consoler @hendasa, j'ai un petit cadeau bonus.
Trouvé grâce à Anthony et Henk Langkemper: ce qui est sans doute la version originale du dos de ta machine.
Cette machine fait partie de la Collection Nuova Ricambi de Carugate.
Les modèles n'avaient pas forcément de noms d'ailleurs.
Allez, pour te consoler @hendasa, j'ai un petit cadeau bonus.
Trouvé grâce à Anthony et Henk Langkemper: ce qui est sans doute la version originale du dos de ta machine.
Cette machine fait partie de la Collection Nuova Ricambi de Carugate.
_________________
« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir.
Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
Age : 49
Machine à café : Caravel
Broyeur : Porlex Mini
Nombre de messages : 3593
Localisation : Essonne
Re: L’heureux cas d’Eureka
Ah, je suis très content pour ce cadeau bonus, merci beaucoup.
Le panneau arrière en plexiglas parait original, mais je crois que celui qui couvre le "chauffe-tasse" est bricolé.
Les photos manquent pour ce modèle ( pas de photo face avant =, ) pour m'aider à restaurer comme "sortie usine"
A mon tour mon cadeau pour vous, une vidéo extraction avec ma Eureka en bottomless faite hier.
Le panneau arrière en plexiglas parait original, mais je crois que celui qui couvre le "chauffe-tasse" est bricolé.
Les photos manquent pour ce modèle ( pas de photo face avant =, ) pour m'aider à restaurer comme "sortie usine"
A mon tour mon cadeau pour vous, une vidéo extraction avec ma Eureka en bottomless faite hier.
Dernière édition par pootoogoo le Jeu 19 Nov 2020, 19:42, édité 1 fois (Raison : Integration video)
hendasa- Date d'inscription : 02/06/2019
Age : 50
Machine à café : Eureka 60Y / Sama CLub 70Y/ Gaggia New Baby 06 / Rowenta Pefecto/ V60/ Aeropress/ French Press / Bialleti Brikka 2T
Broyeur : Eureka Mignon Manuale /Hario Mini Mill Slim
Nombre de messages : 301
Localisation : Algérie
pootoogoo et polydk aiment ce message
Sujets similaires
» Pour les potes... arrivée de la Rancilio S27 à la maison...
» nouveau lapavoniste heureux
» Et un heureux propiétaire de Silvia en plus !
» Toujours Heureux - Ristretto
» Un heureux propriétaire d'une Cimbali M21 Junior de plus :)
» nouveau lapavoniste heureux
» Et un heureux propiétaire de Silvia en plus !
» Toujours Heureux - Ristretto
» Un heureux propriétaire d'une Cimbali M21 Junior de plus :)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum