Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Allonger au 3/4 avec une e61 démontre une méconnaissance totale de ce que doivent être un expresso ou un 3/4
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
giorgio a écrit:j'ai vu des machines avec un tapis roulant qui une fois le café passé déplaçait la tasse pour en présenter une vide sous le bec, j'ai vu ça et ça ne me rajeunit guère
Ahah Gio, la machine dont tu parles est une Reneka Hydrauto, sortie au début des années 70... c'est un peu plus jeune que ton moulin SEV.
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Purée j'veux une photo ?!??
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Oui oui oui! Une photo!
Suite à la remarque de Zeb j'ai pris une grande inspiration et j'ai plongé dans les entrailles du forum pour retrouver des discussions sur le 3/4; contributions de LaDuccale, Tocca, un certain Zeb; presque tous des comptes qui ont été fermés.
Passionnant et à la fois vertigineux.. c'est un monde tellement énorme! Je suis perdu.
Je ne comprends pas pourquoi un E61 ne pourrait pas allonger; son profil de température lors de l'extraction devrait être stable voir descendant. Qu'est-ce qui conviendrait mieux?
Entre la duccale qui disait que les La Marzocco étaient trop stables et épuisent les café en longueur et ce "zeb" d’antan qui parlait d'actionner la chauffe vapeur pendant l'extraction sur un groupe rossi pour ne pas trop descendre en température lorsqu'on allonge.
Suite à la remarque de Zeb j'ai pris une grande inspiration et j'ai plongé dans les entrailles du forum pour retrouver des discussions sur le 3/4; contributions de LaDuccale, Tocca, un certain Zeb; presque tous des comptes qui ont été fermés.
Passionnant et à la fois vertigineux.. c'est un monde tellement énorme! Je suis perdu.
Je ne comprends pas pourquoi un E61 ne pourrait pas allonger; son profil de température lors de l'extraction devrait être stable voir descendant. Qu'est-ce qui conviendrait mieux?
Entre la duccale qui disait que les La Marzocco étaient trop stables et épuisent les café en longueur et ce "zeb" d’antan qui parlait d'actionner la chauffe vapeur pendant l'extraction sur un groupe rossi pour ne pas trop descendre en température lorsqu'on allonge.
Skydarking- Date d'inscription : 24/10/2013
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Ah ça c'est parce que vous avez pas lu le super article sur l'histoire de Reneka sur le site de Rotchitos... :P
(à paraître ici bientôt, avec l'accord de l'auteur ).
(à paraître ici bientôt, avec l'accord de l'auteur ).
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Maintenant oui!
C'est génial!
C'est dingue ce système automatique de l'Européenne! Ca marchait mal? Il me semble que la pompe, c'est peut-être plus facile, mais on a pas ce côté de pré-infusion "automatique" et optimale.
Ce qui m'ahurit, c'est le nombre de petites inventions, le niveau de détail et de contrôle extrême dans tous les paramètres qui sont mis en oeuvre par les fabricants.
Et au final.. il n'y a qu'une poignée de personnes qui sont capable de faire la différence entre des bons et des mauvais cafés.. je me goure?
J'ai l'impression que de nos jours, les critères qui déterminent le choix quand un café achète son équipement se situe à des années lumières de la recherche de la perfection au niveau du café; de ce que toutes ces incroyables technologies peuvent offrir.
C'est génial!
C'est dingue ce système automatique de l'Européenne! Ca marchait mal? Il me semble que la pompe, c'est peut-être plus facile, mais on a pas ce côté de pré-infusion "automatique" et optimale.
Ce qui m'ahurit, c'est le nombre de petites inventions, le niveau de détail et de contrôle extrême dans tous les paramètres qui sont mis en oeuvre par les fabricants.
Et au final.. il n'y a qu'une poignée de personnes qui sont capable de faire la différence entre des bons et des mauvais cafés.. je me goure?
J'ai l'impression que de nos jours, les critères qui déterminent le choix quand un café achète son équipement se situe à des années lumières de la recherche de la perfection au niveau du café; de ce que toutes ces incroyables technologies peuvent offrir.
Skydarking- Date d'inscription : 24/10/2013
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Pootoogoo a écrit:Ah ça c'est parce que vous avez pas lu le super article sur l'histoire de Reneka sur le site de Rotchitos... :P
(à paraître ici bientôt, avec l'accord de l'auteur ).
ben y'a qu'à mettre en forme le "truc" hein !
rotchitos- Date d'inscription : 05/12/2009
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
d'un autre côté le système hydrauto n'a pas été pérennisé ni repris par la concurrence, ça aurait été bien d'avoir les retours des utilisateurs
rotchitos- Date d'inscription : 05/12/2009
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
- Ha, oui le tapis roulant c'est beaucoup plus tard mon point de chute quotidien, autrement dit la brasserie où je retrouvais mes potes tous les soirs à l'heure de l'apéro et tous les midis à l'heure du café s'était équipé bien possible pour la marque, je ne m’intéressais pas trop à ça à l'époque, toujours est-il que 15 jours après les mecs sont venus reprendre leur merdier pour un modèle plus conventionnel, quand j'ai quitté le foyer, j’habitais un petit appart' avec un troquet en dessous, ils avaient une Faema un groupe à levier, je crois que j'ai vu ça dans la collection de Zeb, y'avait du plexi et de l'ondulé là-dedans et la bonne Marinette qui me sortait mon jus du matin savait bien en tirer le maximum, un régal !
Retrouvé
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giorgio- Date d'inscription : 14/08/2008
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Si c'est Marinette qui fait le café, c'est forcement un régal
Personnellement, c'était Louise qui faisait mon café du matin. Objectivement, je ne sais pas ce que valait le café mais j'en redemandais !
Et quand ce n'était pas elle, ça avait beaucoup moins d’intérêt
Personnellement, c'était Louise qui faisait mon café du matin. Objectivement, je ne sais pas ce que valait le café mais j'en redemandais !
Et quand ce n'était pas elle, ça avait beaucoup moins d’intérêt
Micco- Date d'inscription : 03/03/2012
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Dites, En lisant l'histoire de de Reneka chez Rotchitos, j'ai vu la photo de L'Atalante. C'est La jumelle de La Galatea de Bezzera cette machine. Ont-elles une conception commune ? Ou l'une des deux est simplement rebadgée ?
Micco- Date d'inscription : 03/03/2012
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
C'est une fabrication BZ.
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Petit ajout sur le dernier article avec mes dernières trouvailles sur les adresses (en images) de Bezzera et du Caffè Commercio. La suite bientôt.
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« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Angelo et la Chocolaterie, première partie
Portrait d’Angelo Moriondo datant certainement de 1911.1
En-tête de facture de la chocolaterie Moriondo et Gariglio, 1875
Le laboratoire
Première mention de la fabrique de chocolat dans un compte-rendu de justice de 1870 (Giurisprudenza Italiana, vol 21)
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio vers 1900
En-tête de facture de la chocolaterie Moriondo et Gariglio, 1895
Article de la Gazzetta Piemontese du 25 novembre 1876, annonçant l’assassinat de Francesco Gariglio
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio parue dans le Figaro le 25 juin 1884
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio vers 1900
L’invention
Le lieu du premier emplacement de la chocolaterie Moriondo et Gariglio (le n. 6 est situé en dessous des arcades, sur le côté de la place)
Plan de la ville de Turin en 1913 avec les différents lieux reliés à Moriondo :
Premier emplacement de la chocolaterie (1), le café Ligure (2), l’American Bar (3), le site des expositions (4) et le nouveau site de la chocolaterie (5).
Le Caffè Ligure au sud de la place Carlo Felice et au coin de Vittorio Emanuele II
L’intérieur de la « Galleria Nazionale » dont l’entrée (sous l’arche) donnait sur via Roma
Intérieur de la « Galleria Nazionale » où se trouvait l’American Bar
Article de la Gazetta Piemontese du 24 juillet 1884.1
Enregistrement de l’invention de Moriondo au registre officiel.2
Dessin de la machine à café instantané de Moriondo sur le premier brevet italien de 1884.1
Mention des brevets d’invention de Moriondo déposés en France dans le « Répertoire des machines et procédés » de 1884 et 1885 (vol. 51 et 55).
Dessin de la machine à café instantané de Moriondo sur les brevets français 164427 et 171837.3
À suivre...
* «Coffee floats, tea sinks : through history and technology to a complete understanding», de Ian Bersten, 1993.
1 Source: Wikipedia Italie. Le premier document est un montage, l’article original était en p.3 de la Gazzetta Piemontese. Au deuxième est associé la date de publication (16 mai 1884) et non la date de dépôt (29 avril 1884, soit quelques jours avant le début de l’exposition nationale de Turin)
2 Archives italiennes de la Gazzetta Ufficiale del Regno
3 Source: « Archives INPI », avec leur aimable autorisation. Le français a une propension à se plaindre, mais je dois souligner ici la qualité remarquable du service de brevet de l’INPI : des centaines de brevets accessibles gratuitement et pour les autres, la commande se fait par un formulaire et paiement en ligne, la copie digitale est envoyée par courriel deux jours plus tard, tout ça pour le quart du prix des brevets italiens. Si seulement leurs voisins pouvaient s’en inspirer le moindrement...
Dans l’épisode précédent, l’Express a filé à toute vapeur de Berlin à Milan sans passer par Turin dont j’avais pourtant annoncé l’arrêt. Sans philosopher, c’est très vite passer... alors petite marche arrière sur la naissance de la machine à café express de bar et son inventeur Angelo Moriondo.
En 1878, Kessel avait l’ébauche (avec la grosse chaudière et la dose individuelle, mais poussée de vapeur sur tout le volume de la chaudière). En 1901, Bezzera/Pavoni avaient la première production en série (avec poussée de vapeur découplée, agissant seulement sur la dose individuelle, porte-filtre et lance vapeur). L’histoire fait rarement de grands bonds en avant, mais passe plutôt par des petits détours que l’histoire avec un grand H a tendance à oublier... la faute à des archives détruites, perdues ou tout simplement mal administrées. Il existe ainsi des rescapés de l’histoire, dont on redécouvre la trace à la lumière d’événements « historiques », par le travail acharné de passionnés et, souvent, une bonne dose de chance. C’est le cas d’Angelo Moriondo, repêché par Ian Bersten (encore lui) dans son livre de 1993,* grâce aux archives françaises. Son invention recale celle de Bezzera au second rang.
En 1878, Kessel avait l’ébauche (avec la grosse chaudière et la dose individuelle, mais poussée de vapeur sur tout le volume de la chaudière). En 1901, Bezzera/Pavoni avaient la première production en série (avec poussée de vapeur découplée, agissant seulement sur la dose individuelle, porte-filtre et lance vapeur). L’histoire fait rarement de grands bonds en avant, mais passe plutôt par des petits détours que l’histoire avec un grand H a tendance à oublier... la faute à des archives détruites, perdues ou tout simplement mal administrées. Il existe ainsi des rescapés de l’histoire, dont on redécouvre la trace à la lumière d’événements « historiques », par le travail acharné de passionnés et, souvent, une bonne dose de chance. C’est le cas d’Angelo Moriondo, repêché par Ian Bersten (encore lui) dans son livre de 1993,* grâce aux archives françaises. Son invention recale celle de Bezzera au second rang.
Portrait d’Angelo Moriondo datant certainement de 1911.1
Angelo Moriondo a, depuis 2011, sa page Wikipédia créée grâce à des informations venant d’Angelo Moriondo lui-même (le petit-fils de l’inventeur et fils du peintre Giacomo Moriondo). La page étant assez succincte et manquant de références, et la fin du mois de mai 2014 correspondant au 100e anniversaire de sa mort, j’ai décidé d’y mettre mon grain de sel café.
En-tête de facture de la chocolaterie Moriondo et Gariglio, 1875
Le laboratoire
La page Wikipédia d’Angelo commence par une petite confusion. Elle dit que le grand-père de l’inventeur avait fondé une entreprise de liqueur, reprise par son fils Giacomo qui lui-même avait ensuite fondé la chocolaterie Moriondo et Gariglio avec son frère Ettore et un cousin.
Sans accès au registre d’état civil, je me suis basé sur les archives de la Stampa et de la Gazzetta. Je n’ai pas trouvé de lien direct entre la chocolaterie et Angelo Moriondo, mais tout porte à croire que ses fondateurs Agostino Moriondo et Francesco Gariglio étaient respectivement l’oncle et le cousin d’Angelo... son père Giacomo, mort peu avant 1872, qui n’est pas mentionné comme fondateur de l’entreprise apparue en 1868, était certainement un frère d’Agostino (et non d’Ettore).
Sans accès au registre d’état civil, je me suis basé sur les archives de la Stampa et de la Gazzetta. Je n’ai pas trouvé de lien direct entre la chocolaterie et Angelo Moriondo, mais tout porte à croire que ses fondateurs Agostino Moriondo et Francesco Gariglio étaient respectivement l’oncle et le cousin d’Angelo... son père Giacomo, mort peu avant 1872, qui n’est pas mentionné comme fondateur de l’entreprise apparue en 1868, était certainement un frère d’Agostino (et non d’Ettore).
Première mention de la fabrique de chocolat dans un compte-rendu de justice de 1870 (Giurisprudenza Italiana, vol 21)
Peut-être Giacomo s’occupait-il des liqueurs qui intervenaient dans la préparation des fameux chocolats. Son nom n’apparait pas non plus dans le compte-rendu du procès intenté contre Moriondo et Grariglio par la duchesse de San Tomaso (qui leur louait un local au 6, Piazza San Carlo) à cause du bruit et de la fumée de la machine à vapeur qu’ils utilisaient dans leur « Laboratoire et magasin destinés à la préparation et la vente de chocolat ».
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio vers 1900
Au grand bonheur des petits et grands de Turin et d'Italie (le roi y compris), et bientôt du monde entier, Moriondo et Gariglio pourront continuer d’utiliser leur machine à vapeur pour produire du chocolat en quantités de plus en plus importantes. La fabrique de Piazza San Carlo, devenue trop petite, déménage en 1872 au numéro 36, via Artisti pour profiter de la force motrice du canal « La Gironda » (ou « Ceronda ») qui passe au-dessous de la voie.
En-tête de facture de la chocolaterie Moriondo et Gariglio, 1895
La famille Moriondo a alors son lot de malheur : Francesco Gariglio est assassiné, victime d’un crime passionnel en 1876 devant la résidence familiale (une commande de Luigia Trossarelli, ancienne amante jalouse de ses fiançailles avec Anna, la fille de sa cousine Giancinta Moriondo), en découlera un procès médiatisé, suivi par une bonne partie de l’Italie. Arrive la mort d’Agostino l’année suivante, la chocolaterie est alors reprise par la femme d’Agostino, Maria Lafont, et ses deux fils, Francesco et Ettore. En 1893, Francesco, l’aîné âgé d’à peine 35 ans meurt subitement, emportant avec lui un précieux savoir technique qui lui a permis de moderniser l’entreprise.
Article de la Gazzetta Piemontese du 25 novembre 1876, annonçant l’assassinat de Francesco Gariglio
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio parue dans le Figaro le 25 juin 1884
Dans ces années, la maison Moriondo et Gariglio participe à de nombreuses foires nationales et internationales et y remporte de nombreux prix. Avant la fin du siècle, elle devient une des plus grandes fabriques de chocolat du monde, produisant 2500 à 3000 kg de chocolat par jour.
Publicité pour la chocolaterie Moriondo et Gariglio vers 1900
L’invention
C’est dans ce décor à la Charlie et la Chocolaterie, d’importation de fèves de cacao, de machines à vapeur industrielles, de drames familiaux, de liqueurs et de foires internationales qu’évolue certainement Angelo Moriondo.
Le lieu du premier emplacement de la chocolaterie Moriondo et Gariglio (le n. 6 est situé en dessous des arcades, sur le côté de la place)
Âgé de 33 ans en 1884, il est propriétaire d’un des plus grands cafés de Turin, le « Gran Caffè Ligure », situé en face de la gare centrale sur la place Carlo Felice, à l’angle de Corso Vittorio Emanuele II, et est en relation étroite avec l’ « American Bar » de la « Galleria Nazionale » à deux pas de là (alors propriété d’Andrea Moriondo, qui est certainement le fameux grand-père Moriondo, fondateur de l’entreprise de liqueurs).
Plan de la ville de Turin en 1913 avec les différents lieux reliés à Moriondo :
Premier emplacement de la chocolaterie (1), le café Ligure (2), l’American Bar (3), le site des expositions (4) et le nouveau site de la chocolaterie (5).
Le Caffè Ligure au sud de la place Carlo Felice et au coin de Vittorio Emanuele II
L’intérieur de la « Galleria Nazionale » dont l’entrée (sous l’arche) donnait sur via Roma
Intérieur de la « Galleria Nazionale » où se trouvait l’American Bar
Mais, plus important, il vient de concevoir et d’assembler, avec l’aide d'un mécanicien nommé Martina, une toute nouvelle machine à café qu’il baptise « Machine à café instantané, système A. Moriondo » et pour laquelle il a déposé son premier brevet auprès de l’Office italien (sous le numéro 16795, le 29 avril 1884). Quelques mois plus tard, il y ajoute une attestation (n. 17420, le 30 septembre 1884) et déposera son brevet en France, deux fois plutôt qu’une (sous les numéros 164427 et 171837, les 22 septembre 1884 et 23 octobre 1885).
Article de la Gazetta Piemontese du 24 juillet 1884.1
Enregistrement de l’invention de Moriondo au registre officiel.2
Dessin de la machine à café instantané de Moriondo sur le premier brevet italien de 1884.1
Si on en juge par les schémas de la machine sur les différents brevets, il y a très peu de différences entre les brevets italiens et français. La machine principale propose la préparation de petites quantités de café, « en la présence même du consommateur », en utilisant la vapeur pour pousser à travers un filtre contenant le café moulu une dose d’eau prémesurée (et non pousser sur le volume complet de la chaudière comme c’est le cas des machines précédentes telle que celle de Kessel). La prise d’eau et la prise de vapeur sont ainsi découplées par un système de vanne horizontale à trois voies. Dans la première position, l’eau s’en va dans un compartiment séparé (réservoir 'u' sur la figure), muni d’un niveau. En tournant la valve, c’est la vapeur (par le petit tuyau 'x') qui passe par le robinet et rentre par le haut du compartiment pour pousser sur l’eau. Lors de l’ouverture de la deuxième vanne, juste au-dessus du porte-filtre, l’eau passe sur le café qui peut être directement servi dans une tasse ou gardé dans le récipient situé au-dessous du filtre. Dans son principe, le robinet avec les prises d’eau et de vapeur séparées est strictement identique à celui de Bezzera. L’ironie est que l’amélioration du deuxième brevet de Moriondo porte sur une très légère modification du robinet pour pouvoir relâcher le surplus de vapeur en fin d’extraction, exactement comme dans le cas du deuxième brevet de Bezzera 17 ans plus tard.
Mention des brevets d’invention de Moriondo déposés en France dans le « Répertoire des machines et procédés » de 1884 et 1885 (vol. 51 et 55).
Dessin de la machine à café instantané de Moriondo sur les brevets français 164427 et 171837.3
Le deuxième type de machine (celle avec le robinet sur le haut de la chaudière) fonctionne exactement sur le même principe sauf que c’est la prise de vapeur qui se fait au niveau du robinet et que la prise d’eau se fait par un tube plongeant. Enfin, une autre machine combine les deux solutions en une seule machine (la figure de droite sur la dernière page du brevet). Le tout peut être chauffé au gaz ou sur un feu (la colonne, qui traverse le centre de la machine, sert d’ailleurs de cheminée de tirage pour le feu).
Comparé au principe de la machine apparaissant sur la figure 6 du premier brevet (munie d’une sorte de mélangeur et d’une vanne pour la sortie du café), ce principe est une révolution, car il permet de doser très précisément le volume d’eau et la quantité de café.
Comparé au principe de la machine apparaissant sur la figure 6 du premier brevet (munie d’une sorte de mélangeur et d’une vanne pour la sortie du café), ce principe est une révolution, car il permet de doser très précisément le volume d’eau et la quantité de café.
À suivre...
* «Coffee floats, tea sinks : through history and technology to a complete understanding», de Ian Bersten, 1993.
1 Source: Wikipedia Italie. Le premier document est un montage, l’article original était en p.3 de la Gazzetta Piemontese. Au deuxième est associé la date de publication (16 mai 1884) et non la date de dépôt (29 avril 1884, soit quelques jours avant le début de l’exposition nationale de Turin)
2 Archives italiennes de la Gazzetta Ufficiale del Regno
3 Source: « Archives INPI », avec leur aimable autorisation. Le français a une propension à se plaindre, mais je dois souligner ici la qualité remarquable du service de brevet de l’INPI : des centaines de brevets accessibles gratuitement et pour les autres, la commande se fait par un formulaire et paiement en ligne, la copie digitale est envoyée par courriel deux jours plus tard, tout ça pour le quart du prix des brevets italiens. Si seulement leurs voisins pouvaient s’en inspirer le moindrement...
Dernière édition par pootoogoo le Jeu 17 Avr 2014, 04:42, édité 5 fois
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Pfiou !!!! Encore un régal Sébastien !!! Tu arrives à me faire me plonger dans l'histoire alors que d'habitude ce n'est pas ma tasse de thé
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Très sympa!
Mais du coup, Bezzera a breveté des systèmes qui l'étaient déjà?
Je repensais à l'histoire de l'hydrauto et du gaspillage d'eau qu'elle entraîne.
Il n'y a pas dans l'histoire, de machine type hydrauto, qui se sert de la vapeur pour actionner le gros piston multiplicateur de pression? Dans l'histoire de reneka, il me semble qu'un des arguments était de pouvoir fonctionner avec une pression de réseau basse, les 0.7-0.8 bar d'une chaudière à température idéale devraient donc suffire. (Après bon, il y a l'histoire d'échange thermique et tout, c'est autre chose).
Mais du coup, Bezzera a breveté des systèmes qui l'étaient déjà?
Je repensais à l'histoire de l'hydrauto et du gaspillage d'eau qu'elle entraîne.
Il n'y a pas dans l'histoire, de machine type hydrauto, qui se sert de la vapeur pour actionner le gros piston multiplicateur de pression? Dans l'histoire de reneka, il me semble qu'un des arguments était de pouvoir fonctionner avec une pression de réseau basse, les 0.7-0.8 bar d'une chaudière à température idéale devraient donc suffire. (Après bon, il y a l'histoire d'échange thermique et tout, c'est autre chose).
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Rien n'empêche de breveter un principe qui existe déjà s'il n'est plus couvert... il suffit d'un petit changement quelquefois esthétique (les offices de brevets en regorgent). La machine de Bezzera fonctionnait sur le même principe mais le robinet, dans sa construction, n'était pas exactement le même.
Pour le piston actionné par la vapeur, ça a été breveté (j'y reviendrai ) mais, effectivement, je ne pense pas que le principe ait été appliqué en vrai.
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Angelo et la Chocolaterie, deuxième partie
Plan du site de l’exposition de 1898
Grande roue de la galerie des machines et petit kiosque (de la chocolaterie Talmone, concurrent de Moriondo et Gariglio qui rachètera leur fabrique plus tard) se trouvant sur le bord de la galerie
Article sur la machine à café de Moriondo dans la Chronique illustrée de l’exposition, p. 238.
Article sur la machine à café de Moriondo dans la Chronique illustrée de l’exposition, p. 379.
Publicité pour le Gran Caffè Ligure publiée dans la Gazetta Piemontese du 30 mars 1885.
Article sur l’inauguration de la machine Moriondo au Caffè Ligure, publié dans la Gazetta Piemontese du 15 mars 1885.
Une machine à café Moriondo à gagner (Article de la Gazetta Piemontese du 1er février 1886)
Publicité pour l’American Bar publiée dans la Gazzetta Piemontese du 3 janvier 1890.
Plan du site de l’exposition de 1898
Site de l’exposition générale de Turin de 1898
Photos de la «Galleria del Lavoro» à l’exposition de 1898
Portrait d’Angelo Moriondo dans l’«L'industria italiana alla Esposizione di Torino 1898», p. 136.
Article sur l’entente entre Moriondo et le gouvernement brésilien pour l’exposition de 1911 (La Stampa, 29 novembre 1910)
Schéma de «La Brasiliana» d’Angelo Moriondo sur le Brevet italien n. IT113332
Enregistrement au bulletin officiel de l’invention.1
«Comissão do Brazil na Exposição Turim-Roma de 1911», p. LII et p. 46.
Publicité publiée dans La Stampa du 9 mai 1911.
Prolongation du brevet de machine à café d’Angelo Moriondo IT113332 enregistré fin 1913 au bulletin officiel1
Annonce du décès d’Angelo Moriondo dans La Stampa (du 2 juin 1914).
Autres brevets enregistrés par Angelo Moriondo (IT21601 et IT88466) 1
Première usine d’Itala en 1910 et logo de la marque.
Annonce de la maison Robert et Cie pour du café instantané (La Stampa, 24 décembre 1890 et 18 octobre 1890).
Brevet DE13351 de Etzensberger, 1871.
Publicité pour le «Grand Hôtel Ligure e d’Angleterre», vers 1910.
Photo de via Roma vers 1910 (l’entrée de la «Galleria Nazionale» est la grande arche sur la gauche).
Publicité pour l’«Azienda Moriondo» située à côté de l’American Bar (La Stampa 28 juin 1912 et 1er juin 1915).
À suivre...
1 Archives italiennes de la Gazzetta Ufficiale del Regno
2 J'ai depuis trouvé une preuve que ce Moriondo lié à Itala était arrivé deuxième lors d'une course automobile en 1919... ce ne peut donc être le même.
Article du journal espagnol ABC, 28 novembre 1919.
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Esposizione Generale Italiana, Torino 1884
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Esposizione Generale Italiana, Torino 1884
Plan du site de l’exposition de 1898
Lorsque l’exposition générale italienne arrive à Turin en 1884, Angelo Moriondo est fin prêt : il vient tout juste de mettre au point et de breveter sa machine à café. Elle est présentée à l’exposition dans un petit kiosque au fond de la «Galleria de Macchine» dans la jonction entre la «Galleria dell’Elettricità» et la «Galleria della Guerra» (Section «Meccanica Industriale», classe VI, n. 6143). Elle remporte un franc succès et reçoit même une médaille de bronze dans sa catégorie (section XVIII, «Ingegneria e Meccanica industriale»).
Grande roue de la galerie des machines et petit kiosque (de la chocolaterie Talmone, concurrent de Moriondo et Gariglio qui rachètera leur fabrique plus tard) se trouvant sur le bord de la galerie
Il n’y a malheureusement aucun dessin de l’événement et encore moins de photos (procédé qui en était à ses débuts), seulement certaines vues prises près de l’endroit où se trouvait la machine à café et quelques traces écrites parlant de cette «cafetière miraculeuse» (Chronique illustrée de l’exposition n. 30 et 48 (p. 238 et 379)).
Article sur la machine à café de Moriondo dans la Chronique illustrée de l’exposition, p. 238.
Article sur la machine à café de Moriondo dans la Chronique illustrée de l’exposition, p. 379.
Après l’exposition, la machine trouve (ou retrouve) sa place dans le «Gran Caffè Ligure», il y en a même deux : une de chaque type décrit dans les premiers brevets (pour petite et grande quantité de café). Angelo Moriondo organise une inauguration de ses deux machines dans la grande salle du café, relatée dans un article de la Gazzetta Piemontese du 15 mars 1885. Une annonce apparaît un peu plus tard dans ce même journal publicisant (outre les billards français) «la machine à café instantanée, fonctionnant en présence du public», au café Ligure, et une autre pour courir la chance de gagner une de ses machines lors d’une veillée au profit des artistes et musiciens (La Gazetta Piemontese du 1er février 1886).
Publicité pour le Gran Caffè Ligure publiée dans la Gazetta Piemontese du 30 mars 1885.
Article sur l’inauguration de la machine Moriondo au Caffè Ligure, publié dans la Gazetta Piemontese du 15 mars 1885.
Une machine à café Moriondo à gagner (Article de la Gazetta Piemontese du 1er février 1886)
Angelo Moriondo est en effet un amoureux de musique et de nombreux artistes se produisent dans son café. En 1884, Marziano Cantone avait même composé pour lui une polka en l’honneur de l’invention. Le morceau, appelé «Caffè Istantaneo» est répertorié sous les numéros d’édition 1923 à 1927 dans l’«Editori di musica a Torino e in Piemonte: Biografie» (1999), avec la description suivante :
Polka dedicata dai componenti l'orchestra del Gran Caffè Ligure al signor Angelo Moriondo proprietario del detto stabilimento ed inventore premiato all'Esposizione Nazionale di Torino 1884 della macchina brevettata per la preparazione del caffè istantaneo.
Une polka qui a dû souvent jouer dans son café ces années-là.
Polka dedicata dai componenti l'orchestra del Gran Caffè Ligure al signor Angelo Moriondo proprietario del detto stabilimento ed inventore premiato all'Esposizione Nazionale di Torino 1884 della macchina brevettata per la preparazione del caffè istantaneo.
Une polka qui a dû souvent jouer dans son café ces années-là.
Publicité pour l’American Bar publiée dans la Gazzetta Piemontese du 3 janvier 1890.
Au début de 1890, une autre machine est présente à l’«American Bar» (sujet de plusieurs publicités dans la Gazzetta Piemontese du mois de janvier) ou peut-être en a-t-il déménagé une là-bas pour servir la clientèle du cinéma le plus populaire de la ville qui se trouvait aussi dans la «Galleria Nazionale». On apprend au fil de ces annonces que la machine était en nickel, qu’elle coûtait 150 lires et que le grand modèle pouvait contenir 1 kg de café moulu et produire 150 tasses.
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Esposizione Generale Italiana, Torino 1898
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Esposizione Generale Italiana, Torino 1898
Plan du site de l’exposition de 1898
Site de l’exposition générale de Turin de 1898
Angelo Moriondo récidive en 1898, lors du retour de l’exposition nationale à Turin, il y expose de nouveau sa machine sur le même site qu’en 1884, mais dans une salle d’exposition gigantesque, construite pour l’occasion, la «Galleria del Lavoro». C’est dans cette galerie en forme de coque de bateau retournée, conçue par l’architecte Carlo Ceppi, que se trouvait cette année-là la machine à café express de Moriondo.
Photos de la «Galleria del Lavoro» à l’exposition de 1898
Il était peut-être, de nouveau, dans le fond, ou dans un kiosque sur le côté... j’ai eu beau scruter l’enchevêtrement de machineries industrielles sur les photos d’époque je n’y ai vu que des objets indistincts ayant une vague ressemblance avec la machine à café (et je n’ai pas repéré non plus le nom de Moriondo sur les pancartes).
Portrait d’Angelo Moriondo dans l’«L'industria italiana alla Esposizione di Torino 1898», p. 136.
Elle y était bien, pourtant, et l’inventeur s’y fait de nouveau remarquer, ayant même droit à un article avec son portrait et un texte élogieux sur son invention dans la revue de l’industrie italienne publiée pour l’exposition. Je ne suis pas peu fier de ma trouvaille : c’est bien le même Moriondo que sur la photo fournie par son petit-fils, mais avec au moins 13 ans de moins.
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Esposizione Internazionale, Torino 1911
Pavillon du Brésil à l’exposition internationale de Turin de 1911
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Esposizione Internazionale, Torino 1911
Pavillon du Brésil à l’exposition internationale de Turin de 1911
Pour l’exposition internationale de 1911, Moriondo va réussir un tour de force. Alors que les «Ideales» de Pavoni fleurissent un peu partout dans les cafés et les bars d’Italie, c’est sa machine à lui, légèrement modifiée pour l’occasion que va choisir la délégation Brésilienne pour faire déguster gratuitement leur café aux visiteurs de leur majestueux pavillon sur le bord de la rivière Po.
Article sur l’entente entre Moriondo et le gouvernement brésilien pour l’exposition de 1911 (La Stampa, 29 novembre 1910)
La modification de la machine est consignée dans un brevet italien de 1910 (N. 113332 déposé le 12 novembre 1910) et concerne surtout le regroupement des deux types de machines en une seule, en plus de quelques améliorations fonctionnelles :
- les compartiments de dosage volumétrique de l’eau (numéros 2 et 3 sur la figure 1 du schéma) sont ajustés pour faire passer une tasse (2) et jusqu’à un litre d’eau (3) afin d’accommoder le service de petites ou de grandes quantités de café.
- les robinets sont améliorés et comportent une valve de remise à l’atmosphère (le bouton poussoir sur le dessus du groupe)
- la sortie du robinet (en dessous du filtre) a un brise-jet pour éviter les éclaboussures
- la valve de régulation de pression de la chaudière (fig. 5) est d’un nouveau type ajustable.
- les compartiments de dosage volumétrique de l’eau (numéros 2 et 3 sur la figure 1 du schéma) sont ajustés pour faire passer une tasse (2) et jusqu’à un litre d’eau (3) afin d’accommoder le service de petites ou de grandes quantités de café.
- les robinets sont améliorés et comportent une valve de remise à l’atmosphère (le bouton poussoir sur le dessus du groupe)
- la sortie du robinet (en dessous du filtre) a un brise-jet pour éviter les éclaboussures
- la valve de régulation de pression de la chaudière (fig. 5) est d’un nouveau type ajustable.
Schéma de «La Brasiliana» d’Angelo Moriondo sur le Brevet italien n. IT113332
Enregistrement au bulletin officiel de l’invention.1
«Comissão do Brazil na Exposição Turim-Roma de 1911», p. LII et p. 46.
Ces modifications font suite à des discussions avec la délégation brésilienne pour la promotion du café en Europe et visaient à répondre à leurs exigences. Pour marquer le coup, la machine en question est baptisée «La Brasiliana». Examen de passage réussi pour Moriondo qui obtient non seulement l’exclusivité du service de leur café à l’exposition internationale, mais aussi un contrat commercial pour la distribution et la torréfaction du café brésilien à l’American Bar, à l’aide d’un torréfacteur appelé «Tornado». Ils comptent aussi sur lui pour aider à l’installation de ces torréfacteurs dans plus de 120 bars à travers le Piémont pour promouvoir la vente de café brésilien et de petites machines à café domestiques appelées «Fluminense» (comme cela est rapporté dans le rapport de la commission).
Publicité publiée dans La Stampa du 9 mai 1911.
L’histoire ne dit pas combien d’appareils de torréfactions ont été installés ni combien de ces «La Brasiliana» ont été assemblées. Angelo Moriondo meurt le 31 mai 1914, peu de temps après avoir prolongé son brevet pour 4 ans (le 30 décembre 1913, sous le n. 139663). Ses funérailles sont annoncées en grand dans la presse locale et beaucoup de monde se déplace pour saluer cet homme actif dans sa communauté, amoureux de l’histoire et du patrimoine piémontais.
Prolongation du brevet de machine à café d’Angelo Moriondo IT113332 enregistré fin 1913 au bulletin officiel1
Annonce du décès d’Angelo Moriondo dans La Stampa (du 2 juin 1914).
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L’autre Moriondo
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L’autre Moriondo
Sur l’annonce des funérailles dans La Gazzetta Piemontese, il est aussi salué comme administrateur par la «Societa Anonima Eridanea» (une société de fabrication d’essences et d’extraits, située au 177, via Nizza). Voilà certainement une des nombreuses activités parallèles de Moriondo (ou reliée à la société fondée par le grand-père) comme son implication à la chambre de commerce de Turin et son attrait apparent pour l’automobile.
Autres brevets enregistrés par Angelo Moriondo (IT21601 et IT88466) 1
En effet, en fouillant dans les brevets on peut en trouver deux autres enregistrés sous le nom d’Angelo Moriondo : un sur un appareil à jetons pour la mesure de la force humaine (certainement comme ceux des fêtes foraines, déposé le 14 avril 1887 sous le numéro 21601) et un autre pour une roue élastique et légère pour véhicule (déposé le 25 mars 1907, n. 88466). Cela correspondrait avec le fait qu’un Angelo Moriondo fait partie des cinq investisseurs (aux côtés de Gaetano Grosso Campana, Leone Fubini, Guido Bigio et Giovanni Carenzi) ayant aidé Matteo Ceirano à démarrer sa compagnie d’automobile à la fin de 1903, la Matteo Ceirano & C. La marque qui produit des Tipo Unico 24 HP à quatre cylindres devient «Itala» en 1904, une des premières compagnies automobile d’Italie avec la «Fabbrica Italiana Automobili Torino» (F.I.A.T, à deux pas l’une de l’autre).2
Mais peut-être faut-il se méfier des homonymes... car il y avait au moins un autre Angelo Moriondo à Turin dans ces années-là, il était consul de Bolivie (et ce n’est vraisemblablement pas le même).
Mais peut-être faut-il se méfier des homonymes... car il y avait au moins un autre Angelo Moriondo à Turin dans ces années-là, il était consul de Bolivie (et ce n’est vraisemblablement pas le même).
Première usine d’Itala en 1910 et logo de la marque.
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L’héritage de Moriondo
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L’héritage de Moriondo
Loin d’être la machine à café dont on se demande si elle a été assemblée et utilisée, l’invention d’Angelo Moriondo a été non seulement construite en plusieurs exemplaires, mais vue par des milliers de personnes à qui elle a servi du café dans différents lieux de Turin entre 1884 et 1914, cafés et grandes expositions. À une époque où les gens voyageaient de plus en plus on peut légitiment penser que Luigi Bezzera et Desiderio Pavoni (respectivement vendeur d’alcool et propriétaire de cafés dans la ville voisine de Milan) ont vu la machine de Moriondo avant de déposer leur brevet de 1901. D’ailleurs, 1901 correspond précisément à la fin de la couverture du brevet de Moriondo en France (tombant le 24 octobre 1900)... est-ce vraiment un hasard ?
Pourquoi Moriondo a-t-il failli tomber dans l’oubli alors que les noms de Bezzera et Pavoni brillent encore aujourd’hui ? La faute certainement à une mauvaise stratégie commerciale et non à un manque de moyens. Angelo Moriondo a en effet choisi l’exclusivité de l’invention pour attirer le plus de monde possible dans son café. L'absence de machines ayant traversé le temps et le défaut de preuves visuelles (contrairement à la célèbre photo du stand de Bezzera) n'ont pas non plus joué en sa faveur. Enfin, le nom choisi (de «café instantané») était loin d’être aussi judicieux que celui de «café express» ou «espresso» qui a été rapidement adopté. En effet, le terme «café instantané» désignait déjà à l’époque (comme plus tard avec le café lyophilisé) la préparation du breuvage avec de l’extrait de café, comme celui de la maison parisienne Robert et Cie, vendu à Turin même à la fin du XIXe.
Pourquoi Moriondo a-t-il failli tomber dans l’oubli alors que les noms de Bezzera et Pavoni brillent encore aujourd’hui ? La faute certainement à une mauvaise stratégie commerciale et non à un manque de moyens. Angelo Moriondo a en effet choisi l’exclusivité de l’invention pour attirer le plus de monde possible dans son café. L'absence de machines ayant traversé le temps et le défaut de preuves visuelles (contrairement à la célèbre photo du stand de Bezzera) n'ont pas non plus joué en sa faveur. Enfin, le nom choisi (de «café instantané») était loin d’être aussi judicieux que celui de «café express» ou «espresso» qui a été rapidement adopté. En effet, le terme «café instantané» désignait déjà à l’époque (comme plus tard avec le café lyophilisé) la préparation du breuvage avec de l’extrait de café, comme celui de la maison parisienne Robert et Cie, vendu à Turin même à la fin du XIXe.
Annonce de la maison Robert et Cie pour du café instantané (La Stampa, 24 décembre 1890 et 18 octobre 1890).
Que doit-on à Moriondo ? Il n’a pas vraiment inventé le porte-filtre fixé au bout du robinet de sortie de la chaudière. C’est un Allemand établi en Angleterre qui propose cette idée trois ans après Kessel (avec ses cartouches pour la «Machine à café revolver»). R.U. Etzensberger dépose en 1881 un brevet pour un compartiment qui se visse sur la sortie d’une grosse chaudière et pouvant accueillir aussi bien du café moulu que du thé. Comme pour Kessel, l’eau est poussée par la pression de la chaudière mais la décoction, au lieu d’être récupérée dans une tasse, est récupérée dans un grand récipient comportant un autre robinet pour le service.
Brevet DE13351 de Etzensberger, 1871.
L’invention de Moriondo porte vraiment sur le robinet à trois positions (volume d’eau chaude / poussée par la vapeur et relâchement de la pression), mais aussi sur l’ergonomie de la machine à café : l’espèce de dôme avec des robinets sur les côtés et les porte-filtres positionnés en dessous correspond exactement à ce qui a ensuite été adopté par Bezzera et Pavoni et a trôné dans les bars pendant plus de 50 ans. Ce qu’il n’avait pas et qui fait la marque de ces deux derniers est clairement la dose spécifiquement individuelle, ainsi que l’utilisation de la vapeur à d’autres fins (certainement pour chauffer ou faire mousser le lait). Vu ainsi, l’évolution de Kessel à Moriondo puis Bezzera est une lente progression où chacun apporte sa petite pierre en empruntant (de façon plus ou moins avouée) au précédent.
De la même façon, il y a peut-être une progression plus continue et un inventeur oublié entre Römershausen et Kessel ou, plus tard, entre Bezzera et Gaggia... que l’histoire retrouvera peut-être.
De la même façon, il y a peut-être une progression plus continue et un inventeur oublié entre Römershausen et Kessel ou, plus tard, entre Bezzera et Gaggia... que l’histoire retrouvera peut-être.
Publicité pour le «Grand Hôtel Ligure e d’Angleterre», vers 1910.
Photo de via Roma vers 1910 (l’entrée de la «Galleria Nazionale» est la grande arche sur la gauche).
Contrairement à Bezzera et Pavoni, le nom de "Moriondo" n’est pas aujourd’hui rattaché à une marque de machine à café, mais est toujours lié au chocolat. Le dernier propriétaire Moriondo (Ettore) est mort en 1945 à l’âge de 84 ans. La chocolaterie de Turin, vendue en 1924 à Venchi puis Unica avait une succursale à Rome qui produit encore du chocolat Moriondo et Gariglio. La société anonyme «Stabilimenti del Ligure» apparaît vers 1906 et le «Grand Hôtel Ligure e d’Angleterre» est aménagé en 1910. C’est aussi vers 1910 que Moriondo n’est plus présenté comme le propriétaire du café Ligure mais comme propriétaire de l’American Bar (qui était propriété d’Andrea Moriondo en 1890). Il est possible qu’il ait vendu le caffè Ligure et s’est alors concentré sur les affaires de l’American Bar où il avait mis en place un atelier de torréfaction et de vente de café. «L’azienda Moriondo» a été transférée dans une annexe du bar en 1912 et était encore active après la mort de Moriondo, en 1915.
Publicité pour l’«Azienda Moriondo» située à côté de l’American Bar (La Stampa 28 juin 1912 et 1er juin 1915).
On ne sait pas ce qui est arrivé aux modèles de machine à café déménagés là après la mort de Moriondo. «Saracco e Fratelli» ont repris l’affaire et modernisé le café en 1919. La Galleria Nazionale a été détruite en 1936 lors du réaménagement de la via Roma, elle n’existe plus aujourd’hui. Ce qui est sûr c’est que si une de ces machines "A. Moriondo" existe encore, elle vaut bien plus de 150 lires.
À suivre...
1 Archives italiennes de la Gazzetta Ufficiale del Regno
2 J'ai depuis trouvé une preuve que ce Moriondo lié à Itala était arrivé deuxième lors d'une course automobile en 1919... ce ne peut donc être le même.
Article du journal espagnol ABC, 28 novembre 1919.
Dernière édition par pootoogoo le Sam 17 Jan 2015, 20:18, édité 3 fois
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« Le savoir est le seul bien qui augmente quand on le partage »
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Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. »
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
formidable histoire.
rotchitos- Date d'inscription : 05/12/2009
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Très sympa ces retours en arrière qui nous permettent de mieux comprendre comment on en est arrivé à nos machines modernes.
Juste une petite chose :
Une petite erreur s'est glissée dans ton texte
Merci quand même pour celui-ci, qui met en exergue une recherche très chronophage
Juste une petite chose :
pootoogoo a écrit:L’héritage de Moriondo[...]on peut légitiment penser que Luigi Bezzera et Desiderio Pavoni [...] ont vu la machine de Moriondo avant de déposer leur brevet de 1901. [...]
Pourquoi Moriondo a-t-il failli tomber dans l’oubli alors que les noms de Bezzera et Moriondo brillent encore aujourd’hui ?[...]
Une petite erreur s'est glissée dans ton texte
Merci quand même pour celui-ci, qui met en exergue une recherche très chronophage
Excelsior- Date d'inscription : 14/04/2014
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci pour cette correction excelsior
Toujours aussi passionnant Sébastien
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci pour vos retours, ça a été un plongeon de plusieurs semaines pour suivre à la trace Moriondo dans les rues de Turin. Je crois que je vais me reposer durant ce congé Pascal (OK, Pascal?).
Excelsior (et Rotchitos le vigilent correcteur en MP ), c'est corrigé... merci d'avoir signalé l'erreur.
Excelsior (et Rotchitos le vigilent correcteur en MP ), c'est corrigé... merci d'avoir signalé l'erreur.
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Le porteur de flambeau
«Il quatro stato», de Giuseppe Pellizza da Volpedo, peinture de 1901
Carte de la ville de Barcelone, vers 1900.
Locomotive à vapeur et port de Barcelone, vers 1900.
Enregistrement du transfert de brevet 9.739 de 1889 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 120 p19, 1891. 1
Enregistrement du brevet d’invention 15.107 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 176 p6, 1893. 1
Une du Petit Journal des 25 novembre et 23 décembre 1893 (attentats du 7 novembre au théâtre Liceu de Barcelone et du 9 décembre au parlement français)
Enregistrement du brevet d’invention 15.278 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 179 p11, 1894. 1
«Nuovi apparecchi a vapore per la confezione economica ed istantanea del caffe in bevanda, sistema A. Moriondo» - ce sont là les termes employés en 1884.
«Innovazioni negli apparecchi per preparare e servire istantaneamente il caffè in bevanda» - le titre du brevet de Bezzera en 1901.
(«Apparechio per preparare e servire istantaneamente il caffè in bevanda», c’est aussi ce qui est écrit sur l’affiche promotionnelle des Ideales de Pavoni sur la célèbre photo de 1906).
La Domenica del Corriere du 24 novembre 1946, relatant l’explosion d’une cafetière express dans un bar de Vignola (Modène).
Portions de la première page du brevet N.15278 de José Molinari. 1
Dessin explicatif du brevet N.15278 de José Molinari. 1
Dessin explicatif du brevet N.15278 de José Molinari. 1
Café del Circo Español, situé à côté du Paralelo et du Nuevo Teatro Español (ayant ouvert leurs portes en 1894). 2
Nuevo Teatro Español, vers 1900.2
Avancement du chantier de la Sagrada Familia en 1893.
Enregistrement du brevet d’invention 43.066 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 525 p11, 1922. 1
Journal La Vanguardia du 24 avril 1904.
Journal La Vanguardia du 10 juin 1932.
À suivre...
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1 Source : Officina Española de Patentes y Marcas (OEPM).
2 Source : Centre de Cultura Contemporània de Barcelona.
3 Voir, entre autres, « Le goût du Café», ed. Mercure de France, p35.
4 il avait été déposé pour 6 ans seulement, mais le brevet additionnel, de 1884 aussi, couvrait une période de 15 ans pour autant que les annualités été payées.
«Il quatro stato», de Giuseppe Pellizza da Volpedo, peinture de 1901
La révolution est en marche, rien ne semble pouvoir l’arrêter... le café express, inventé à Turin près de dix ans plus tôt, a maintenant fait ses preuves. Dix années où des centaines de personnes ont vu opérer la machine révolutionnaire d’Angelo Moriondo, trônant à l’Exposition Générale Italienne, à l’American Bar après une séance au cinématographe de la Galerie Nationale ou encore en s’arrêtant au café Ligure avant d’aller prendre le train.
Un homme, un voyageur, l’a remarqué plus que les autres ; et après avoir mis la main sur les plans, le voilà parti pour Barcelone.
Un homme, un voyageur, l’a remarqué plus que les autres ; et après avoir mis la main sur les plans, le voilà parti pour Barcelone.
Carte de la ville de Barcelone, vers 1900.
Locomotive à vapeur et port de Barcelone, vers 1900.
Y arrive-t-il en train ou par bateau?
L’histoire ne le dit pas, l’histoire avait même oublié son nom... je vous présente José MOLINARI.
Il n’y a que très peu d’informations disponibles sur lui. Il existe plusieurs brevets au nom de José Molinari résidant à Barcelone mais il n’est pas sûr que ce soit la même personne: un brevet hérité en 1889 pour « un procédé perfectionné pour le pavage des rues avec du bois» (des mains d’une société de pavage qui l’avait elle-même hérité de l’inventeur Milanais Luigi Elli), un brevet déposé en 1893 pour «un procédé industriel destiné à la propagation des arts décoratifs».
C’est plutôt le titre d’un autre brevet de décembre 1893 qui a particulièrement attiré mon attention.
L’histoire ne le dit pas, l’histoire avait même oublié son nom... je vous présente José MOLINARI.
Il n’y a que très peu d’informations disponibles sur lui. Il existe plusieurs brevets au nom de José Molinari résidant à Barcelone mais il n’est pas sûr que ce soit la même personne: un brevet hérité en 1889 pour « un procédé perfectionné pour le pavage des rues avec du bois» (des mains d’une société de pavage qui l’avait elle-même hérité de l’inventeur Milanais Luigi Elli), un brevet déposé en 1893 pour «un procédé industriel destiné à la propagation des arts décoratifs».
C’est plutôt le titre d’un autre brevet de décembre 1893 qui a particulièrement attiré mon attention.
Enregistrement du transfert de brevet 9.739 de 1889 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 120 p19, 1891. 1
Enregistrement du brevet d’invention 15.107 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 176 p6, 1893. 1
Une du Petit Journal des 25 novembre et 23 décembre 1893 (attentats du 7 novembre au théâtre Liceu de Barcelone et du 9 décembre au parlement français)
Alors que la vague d’attentats anarchistes initiée par Ravachol en 1891 vient tout juste de toucher l’Espagne, dans la ville même de José Molinari, il dépose un brevet intitulé « un procedimiento para la confeción del café en bebida por medio de la presión del vapor y filtración instantaneá para el consumo en pequeñas ó grandes cantidades».
Enregistrement du brevet d’invention 15.278 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 179 p11, 1894. 1
«Nuovi apparecchi a vapore per la confezione economica ed istantanea del caffe in bevanda, sistema A. Moriondo» - ce sont là les termes employés en 1884.
«Innovazioni negli apparecchi per preparare e servire istantaneamente il caffè in bevanda» - le titre du brevet de Bezzera en 1901.
(«Apparechio per preparare e servire istantaneamente il caffè in bevanda», c’est aussi ce qui est écrit sur l’affiche promotionnelle des Ideales de Pavoni sur la célèbre photo de 1906).
«Instantanément», «le café sous forme de boisson», sont des termes rarement employés dans les titres de brevets... surtout ensembles. Le titre du brevet Molinari semble même une traduction quasi littérale du titre de Moriondo, ne manque plus que le «sistema J. Molinari».
La Domenica del Corriere du 24 novembre 1946, relatant l’explosion d’une cafetière express dans un bar de Vignola (Modène).
Ce brevet semblait être de la bombe... le chaînon comblant le vide entre Moriondo et Bezzera. Voyons ce qu’il en est. Je dois souligner ici l’incroyable efficacité et la gentillesse des archives espagnoles qui m’ont envoyé gratuitement et en moins de 24h ce brevet, d’une importance majeure pour l’histoire de l’expresso (enfin, c’est mon avis... ).
Portions de la première page du brevet N.15278 de José Molinari. 1
Dessin explicatif du brevet N.15278 de José Molinari. 1
¡ Una maravilla ! qui n’apparaît dans aucun livre de référence, passée sous le radar, car elle se trouvait en Espagne, pays oublié de l’histoire de l’expresso s’il en est. Preuve supplémentaire que ce pays était un acteur majeur de l’essor de l’expresso, suivant à la trace tous les développements français et italiens, et y apportant sa touche personnelle.
La voilà la petite sœur cachée de la machine de Moriondo. Le principe de fonctionnement est identique, les similarités sont évidentes : le robinet à trois positions (pour alterner l’eau et la vapeur), les deux versions avec système doseur à l’intérieur ou prise directe avec le groupe sur le haut de la bouilloire, le réservoir « injecteur » à l’extérieur, le porte-filtre et son système de fermeture... même les dessins semblent avoir été faits par la même main, les symboles utilisés sur les figures pour désigner les différentes parties sont strictement les mêmes.
La voilà la petite sœur cachée de la machine de Moriondo. Le principe de fonctionnement est identique, les similarités sont évidentes : le robinet à trois positions (pour alterner l’eau et la vapeur), les deux versions avec système doseur à l’intérieur ou prise directe avec le groupe sur le haut de la bouilloire, le réservoir « injecteur » à l’extérieur, le porte-filtre et son système de fermeture... même les dessins semblent avoir été faits par la même main, les symboles utilisés sur les figures pour désigner les différentes parties sont strictement les mêmes.
Dessin explicatif du brevet N.15278 de José Molinari. 1
Les différences en ressortent d’autant plus : il y a la forme ovale de la bouilloire beaucoup plus proche de celle du deuxième brevet de Moriondo (la «Brasiliana», 1910), mais aussi l’absence de «cheminée» dans la partie centrale et le sommet remplacé par la valve de sécurité (elle aussi similaire à celle du brevet de 1910) et un manomètre. Il y a la prise d’eau dans le réservoir qui est terminée d’un filtre métallique, le tube courbé sur le manomètre et celui entre le haut de la bouilloire et le réservoir extérieur, le niveau pour le dosage d’eau protégé par un tube métallique avec des ouvertures rappelant la forme de la bouilloire. Enfin, ce qui saute aux yeux, c’est ce style très élégant avec ce qui ressemble à un plaquage bois, façon tonneau de Xérès... on est loin de la machine à vapeur d’origine avec son métal brut et ses boulons apparents.
Cette machine a-t-elle été construite ? Trônait-elle dans un café de Barcelone avant l’arrivée des Ideales, introduites en Espagne par Oyarzun à partir de 1925 ?
Cette machine a-t-elle été construite ? Trônait-elle dans un café de Barcelone avant l’arrivée des Ideales, introduites en Espagne par Oyarzun à partir de 1925 ?
Café del Circo Español, situé à côté du Paralelo et du Nuevo Teatro Español (ayant ouvert leurs portes en 1894). 2
Nuevo Teatro Español, vers 1900.2
Rousseau disait de Voltaire qu’il buvait 40 tasses de café par jour pour l’aider à « penser à la manière de lutter contre les tyrans et les imbéciles ». Certains, à l’instar de Paul Morand, pensent que le café est le carburant des révolutions politiques et culturelles.3 Une chose est certaine, Barcelone, au sortir de sa première exposition universelle (tenue en 1888), était en effervescence à cette époque précise, avec l’ouverture de cafés et de lieux culturel (notamment le Paralelo) et le chantier de la Sagrada Familia de Gaudi qui avait débuté seulement deux ans plus tôt, en 1892.
Avancement du chantier de la Sagrada Familia en 1893.
Aussi, José Molinari faisait peut-être partie des étincelles. Il était en tout cas le porteur de flambeau d’Angelo Moriondo en Espagne. Son prénom est plutôt espagnol mais son nom de famille indique qu’il devait être un immigré italien résidant à Barcelone. Les plans de sa machine s’insérant parfaitement entre les deux modèles de Moriondo de 1884 et 1910, le titre du brevet très similaire et le fait qu’en 1893 le premier brevet de Moriondo avait potentiellement toujours cours,4 montrent que Moriondo et Molinari devaient se connaitre. Le brevet de Molinari semble prouver non seulement que la machine de Moriondo a bel et bien existé (si certains en doutaient encore), mais que plusieurs modèles ont été construits, au fil des améliorations sur la machine. Le brevet de Molinari, d’une durée de 5 ans seulement, vient ainsi consigner ces avancées pour le reste du siècle... au début duquel Bezzera déposera le sien.
Pourquoi l’Espagne, pourquoi Molinari... c’est un mystère. Si ce José Molinari de Barcelone est le même que celui des autres brevets, ce modèle de machine à café express présenté en 1893 ne semble par avoir grand-chose à voir avec ses autres activités.
Plus tard, en 1904, on retrouve mention d'un José Molinari occupé à liquider sa société de brique et autres matériaux de construction (certainement le même que celui associé à la société de pavage du début).
Une autre en 1908, celle du co-inventeur d’un «Mécanisme applicable à la propulsion de bateaux, de sous-marins et d’aérostats, ainsi qu’à la production de force motrice au moyen d’un courant d’air ou d’eau», vaguement en lien avec les machines à vapeur (mais qui réside à Buenos-Aires, suivant une autre source).
Souhaitons-lui, en tout cas, de ne pas être celui qui a fini ses jours à Vérone en 1932, condamné à mort pour homicide.
Pourquoi l’Espagne, pourquoi Molinari... c’est un mystère. Si ce José Molinari de Barcelone est le même que celui des autres brevets, ce modèle de machine à café express présenté en 1893 ne semble par avoir grand-chose à voir avec ses autres activités.
Plus tard, en 1904, on retrouve mention d'un José Molinari occupé à liquider sa société de brique et autres matériaux de construction (certainement le même que celui associé à la société de pavage du début).
Une autre en 1908, celle du co-inventeur d’un «Mécanisme applicable à la propulsion de bateaux, de sous-marins et d’aérostats, ainsi qu’à la production de force motrice au moyen d’un courant d’air ou d’eau», vaguement en lien avec les machines à vapeur (mais qui réside à Buenos-Aires, suivant une autre source).
Souhaitons-lui, en tout cas, de ne pas être celui qui a fini ses jours à Vérone en 1932, condamné à mort pour homicide.
Enregistrement du brevet d’invention 43.066 au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle, No. 525 p11, 1922. 1
Journal La Vanguardia du 24 avril 1904.
Journal La Vanguardia du 10 juin 1932.
Enfin, Molinari est un nom assez répandu... puisqu'il y avait au moins trois Angelo Moriondo à Turin à la même époque (l’inventeur, le consul de Bolivie et un coureur automobile d’Itala), il pouvait bien y avoir trois José Molinari à Barcelone.
À suivre...
________________________
1 Source : Officina Española de Patentes y Marcas (OEPM).
2 Source : Centre de Cultura Contemporània de Barcelona.
3 Voir, entre autres, « Le goût du Café», ed. Mercure de France, p35.
4 il avait été déposé pour 6 ans seulement, mais le brevet additionnel, de 1884 aussi, couvrait une période de 15 ans pour autant que les annualités été payées.
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