Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Il y a un lien probable entre VA et Annemasse en Haute Savoie pour de la fabrication (assemblage ?). J'avais trouvé un élément il y a quelques années qui coroborait cette hypothèse mais pas moyen de me rappeler
Michel, on a failli s'y rencontrer, mais avec le temps de trajet ça ne m'est finalement pas possible...
Michel, on a failli s'y rencontrer, mais avec le temps de trajet ça ne m'est finalement pas possible...
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Tant pis @zeb... Je dois venir à Aix courant juin. La date est à préciser...
Micco- Date d'inscription : 03/03/2012
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zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Ôde aux Créateurs (Acte I, Allegro)
Publicité pour les modèles Orso de Figli Sanitini, 1919.
Publicité pour les modèles Orso de Figli Sanitini, 1919.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les soldats qui ont la chance de rentrer chez eux ont pris l’habitude du mauvais vin et du mauvais café. Loin d’une coïncidence, l’« espresso » (désignant tout autant la boisson sortant des grosses chaudières cylindriques que des petites cafetières domestiques) se développe et se répand comme trainée de poudre. Ce mot, « espresso », dont la première trace semble avoir traversé le temps grâce à la célèbre photo de la foire de Milan de 1906, remplace petit à petit le mot « Express », utilisé jusque-là. La transition d’Express à Espresso est à l’image de la dissolution des derniers liens avec la glorieuse époque française : si le terme Express puis Expresso a perduré en France, il en va différemment chez son voisin italien… et c’est là, dorénavant, et presqu’exclusivement que la partition va désormais s’écrire.
Cafetière de Leopoldo Giussani, vers 1900.
Lampe Aquilas, cafetière Aquilas et cafetière Adele de l’entreprise Fratelli Santini (vers 1910, 1920 et 1930).
De 1898 à 1947, le développement des cafetières italiennes est fulgurant. Profitant certainement d’un repli des populations sur elles-mêmes, d’une envie de retrouver un peu de confort chez soi, le nombre de cafetières et incidemment de marques et d’officines produisant des machines à café explose. Les villes de Turin et de Milan se font alors compétition pour tenir le haut du pavé, mais c’est dans une ville plus éloignée que l’histoire commence.
Entreprise Fratelli Santini, différents en-têtes de l’entreprise de 1900 à 1940.
Avant l’arrivée de l’électricité, phénomène qui participera aussi grandement à l’essor des petites cafetières, le chauffage se fait sur le foyer ou grâce à un brûleur, comme sur les cafetières de Leopoldo Giussani (Milan) ou celles des frères Santini et leur modèle emblématique « Aquilas ».
Produits vendus pas Fratelli Santini, début XXe.
Fondée par Orfeo Santini en 1859 à Ferrara, dans le delta du Pô, l’entreprise des frères Santini (ses fils Silvio, Umberto et Paolo) fabrique d’abord des lampes à pétrole et à acétylène1 puis des réchauds. Au tournant du siècle, c’est tout naturellement que l’entreprise se tourne vers la fabrication de cafetières en gardant les mêmes noms de marques que pour ses lampes : « Aquilas » pour la fratrie Santini et « Orso » pour les fils Santini (entreprise fondée par les fils Orfeo et Antonio de Silvio Santini, à sa mort en 1914).
Publicité pour « Aquilas », entreprise Fratelli Santini 1908 et 1924.
Publicité pour « Orso », entreprise Figli Santini 1919.
Leur succès en inspire d’autres à Ferrara : Stella, SIMERAC et Velox voient aussi le jour dans cette ville. Stella, marque de l’Officine Metallurgiche Sgarbi, Chiozzi & C., présente un peu le même parcours que Fratelli Santini2 : fondée en 1924 par Gino Sgarbi et Girolamo Chiozzi, elle fabrique des lampes à acétylène puis étend ses activités vers la production de cafetière. En 1932 elle reprendra d’ailleurs l’entreprise Figli Santini après sa faillite3 (annoncée en 1929 alors qu’elle venait tout juste de lancer deux nouvelles marques : « Z » et, spécifiquement pour des cafetières, « Sport » qui n’existeront certainement jamais). L’entreprise Fratelli Santini, elle, continuera ses activités jusqu’aux années 1970.
Publicité pour « Stella », entreprise Scarbi, Chiozzi & Co, début XXe.
SIMERAC (acronyme de Stabilimento Industriale Materiale Elettrico Ragionier Antonio Cotechini) et Velox (la fabrique associée à cette marque enregistrée à Milan par un certain Rino Cazzanti était établie à Ferrara) produisent aussi des cafetières express de format familial munies de tubes de sortie, mais aussi des modèles avec un porte-filtre.
Publicité et brochure de SIMERAC, début XXe.
Remontant le fleuve Pô (le plus important fleuve d’Italie prenant sa source dans les Alpes et traversant le pays d’ouest en est en passant par Turin), ces cafetières envahissent bientôt toute l’Italie et, témoin de ce succès, on en retrouve encore aujourd’hui de nombreux exemplaires dans les brocantes.
Dépôt de marques pour des cafetières auprès de l’OPAC, de 1898 à 1947.
Plusieurs autres fabricants leur emboitent le pas et se mettent à produire des modèles similaires fonctionnant sur le même principe (soit celui de Rabaut, où l’eau est poussée par la force de la vapeur à travers la mouture et ressort par un tube) : Invicta, Select, Watt, Luxor, Omega, Simplex, Universal, Icea, MRT, Nea Lux, Zappia, Giussani, Vulcan et même les grandes marques comme Eterna, Victoria Arduino (avec la Venus Moka), La Carimali et La Pavoni.
Publicité pour Eterna et modèle Baby Lutetia de la marque fondée par Angelo Torriani, début XXe.
Publicité et modèle de la marque Oikos, début XXe.
Évolution des innovations sur les modèles de cafetières à vapeur domestiques avec tube de sortie, sur les brevets déposés entre 1881 et 1945.
D’autres s’orientent vers une configuration de type « porte-filtre » (le café étant placé dans un réservoir, juste à la sortie). On doit apparemment à l’allemand Eicke (comme en écho à Römershausen et avec un design rendant hommage au balancier de Gabet) cette configuration qui aura de beaux jours devant elle, puisque c’est cette lignée qui donnera, en particulier, la cafetière dite «Atomic» de Giordano Robbiati, si chère au cœur de mon ami Mikaël.4
Évolution des innovations sur les modèles de cafetières à vapeur domestiques avec réservoir de sortie, sur les brevets déposés entre 1881 et 1945.
Publicité pour les modèles Eicke de 1897 et 1927.
Autre lignée et non des moindres, la branche « Moka », si chère au cœur de mon ami Lucio.5 Là aussi, la machine semble trouver sa source en Allemagne avec l’invention (de 1887) d’Ehrlich, baptisée « Vienna ». On connait aujourd’hui cette cafetière comme la cafetière italienne ou « Bialetti », sa forme emblématique (à deux étages et à facettes) trouve peut-être sa source dans une invention Allemande de 1913, celle d’un certain Richard Gross, ainsi que dans le design de McGuire (1926). Alfoso Bialetti aurait fondu sa première machine en Aluminium autour de 1933, avec des facettes déjà, mais avec une forme plus arrondie.6 Il n’enregistre le nom « Moka Express » qu’en 1948 et la marque n’est pas encore « Bialetti » mais « ABC » (pour Alfonso Bialetti Crusinallo, son lieu d’établissement). Ce n’est que dans les années 60 qu’est adopté le fameux bonhomme à moustache créé par Paul Campani dont le physique n’est pas sans rappeler le patron Renato lui-même (fils d'Alfonso) lui-même.
Évolution des innovations sur les modèles de cafetière à vapeur de type cafetière italienne sur les brevets déposés entre 1887 et 1931.
Publicité pour le modèle Vienna, autour de 1900.
Publicités de 1927 et 1928 pour des modèles de cafetières produits en Allemagne (type Vienna).
Atelier de fonte d’aluminium d’Alfonso Bialetti (à gauche) vers 1930.
Premier modèle de cafetière des ateliers Bialetti, 1933.
Dépôt de marque de l’entreprise Bialetti de 1948 à 1960.
Deuxième modèle d’Alfonso Bialetti et son premier brevet, 1950.
Pour compléter la gamme, finissons avec une note sur un principe qui avait été développé par des Français (Mayer/Delforge en 1852 et Lavigne en 1854). L’arrivée de la cafetière à piston telle que nous la connaissons aujourd’hui est le fait d’Italiens : Attilio Calimani, Ugo Moneta, Ugo Paolini et Bruno Cassol déposent des brevets pour ce type de cafetière entre 1928 et 1934. Les inventeurs sont tous associés à la famille Moneta (Ugo, Gemma, Alessandro et Giuseppe) qui possède la marque «Melior» de Milan.
Évolution des innovations sur les modèles de cafetière à piston sur les brevets déposés entre 1928 et 1934.
Publicités de 1936 et 1940 et dépôts de marque pour « Melior » auprès de l’OPAC 1929 et 1933.
Passage de flambeau encore une fois, décidément ce ne sont plus les Français qui dictent la musique, à peine suivent-ils le tempo. Douce revanche, ce type de cafetière s’appelle encore aujourd’hui « French Press » en anglais.
À suivre…
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Je dois ici chaleureusement remercier Lucio del Piccolo de m'avoir donné accès il y a quelques années à sa fabuleuse collection et sélection de brevets de toutes provenances qui, après un peu de classement, m'ont permis de retracer l'évolution technologique des différents types de machines.
1. Les débuts de l’entreprise Sanitini : «Santini, la storia».
2. Les débuts de la marque Stella : «Stella, la storia» et sur le blog de Lucio del Piccolo «Stella da viaggio monotazza» .
3. Voir l’article de Luccio Del Piccolo « Una orso davvero particolare »
4. Toute l’information sur les modèles de Giordano Robbiati et d’autres créateurs d’importance est disponible sur le blog de Mikaël Janvier.
5. Voir son magnifique article sur l’invention de Bialetti «Intervista Tina Bialetti, Ottobre 2013».
6. Site official de Bialetti et «La prima Moka Bialetti» sur le blog de Lucio.
Dernière édition par pootoogoo le Mar 20 Oct 2015, 02:47, édité 8 fois
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
pootoogoo,
tu nous régales.
Je sais pas comment te dire merci.
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Gérard JEAN- Prof'spresseur
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Très instructif et toujours aussi agréable à lire.
Un grand merci pour ta générosité !
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franvespa- Date d'inscription : 27/01/2013
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci Seb, tu m'avais manqué
dynamos- Date d'inscription : 04/12/2010
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Haha ! Bravo ! Encore un sacré boulot de recherche ! Et toujours si bien écrit ! Quel plaisir de te lire Sébastien !
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
👍👍👍👍🎩🎩🎩🎩💜💛💚💙❤
roluspress- Date d'inscription : 27/05/2013
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci à tous... la suite devrait arriver un peu plus vite que la dernière fois. L'automne se prêtant un peu plus aux activités de recherche et de rédaction que l'été.
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci !!
Cette richesse de documents visuels ! j'adore.
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2carrés- Date d'inscription : 12/03/2012
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Merci un délice de lire de tels articles avec de bien belles documentations.
LELITOR- Date d'inscription : 12/02/2015
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Pour fêter la fin de l'obscurantisme au Canada, voici sans plus tarder... la suite !
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Ôde à l’Aluminium (Acte II, Moderato)
Affiche encourageant les Italiens à acheter national sous l’Italie fasciste de Mussolini (vers 1930).
Affiche encourageant les Italiens à acheter national sous l’Italie fasciste de Mussolini (vers 1930).
De 1919 à 1922, l’Italie vit une grave crise économique et sociale. Les chemises noires imposent leur loi à l’aide de violents coups d’éclat (persécution des pacifistes, des socialistes de gauche et des mouvements syndicaux ouvriers). Benito Mussolini qui vient juste de retourner sa veste s’impose comme leader de ce mouvement et se retrouvera bientôt à sa tête, puis à la tête de l’Italie tout entière après la marche sur Rome de 1922. Le régime fasciste débute en 1925, il va radicalement changer le visage de l’Italie.
Roma - Mostra autarchica del minerale italiano del 1938 - Padiglione Alluminio [Source: SIRBeC].
Décret concernant la taxe sur les machines à café expresso (Gazzetta Ufficiale del Regno d'Italia N. 110 du 12 Mai 1927).
Hostile aux rassemblements dans les cafés, Mussolini impose lui-même à partir de 1927 une taxe sur les machines à café espresso utilisées dans les lieux publics… ce qui n’est pas pour encourger l’industrie des grosses machines, mais favorise grandement les petites domestiques.
Publicité de l’entreprise Santini pour des lampes pour mineurs affichant la devise « Autarchia » (vers 1930).
D’autre part, frappée par des sanctions économiques de la part de la Société des Nations après l’invasion de l’Éthiopie (en 1935), l’Italie se lance dans des programmes d’autarcie économique qui privilégie la production et l’achat de produits nationaux, et favorise notamment l’industrie minière de l’Aluminium.
Affiches de propagande du régime fasciste concernant l’invasion de l’Éthiopie et l’entreprise chimique et minière « Montecatini ».
C’est dans ce contexte que se développent les industries minières et les lampes «Aquilas» de Santini, ainsi que leurs cafetières, mais aussi et surtout que nait la « Moka Express » de Bialetti, enfant et exemple de la nouvelle domination de l’aluminium dans l’industrie ménagère et symbole de la suprématie de l’Italie sur le berceau du fameux café Moka.
Cartes postales du début XXe de Crusinallo et Piedimulera, dans la vallée de l’Ossola.
Image d’une fonderie dans les années 30 (fonderia Necchi de Pavia, au sud de Milan), Photo de Guglielmo Chiolini.
Moule en fonte réutilisable pour la fabrication de cafetières Bialetti en aluminium.
Difficile de sortir de la ligne officielle de la famille Bialetti puisque, pionnière et passée maître dans l’art de la publicité, elle est la seule à diffuser des informations entretenant la légende du père ou grand-père Alfonso. Ce que l’on sait de lui est qu’il a importé de France les techniques de moulage par gravité de l’aluminium, ayant passé sa jeune vingtaine dans des ateliers français (de 1910 à 1918). De retour en Italie, il travaille dans un atelier de Crusinallo, dans la vallée d’Ossola, en 1919. Cette région aux pieds des montagnes, entre Milan et la Suisse, est le berceau à cette époque de l’industrie de l’Aluminium grâce à d’importantes ressources hydroélectriques , elle connait la naissance et l’essor d’entreprises comme Alessi (Crusinallo, 1921), Lagostina (Omegna, 1901), IRMEL (Cardini, 1928), Girmi/La Subalpina (Omegna, 1919) et Bialetti (Piedimulera, 1932 et Crusinallo, 1919 puis 1932).
En-tête de la « Metallurgica Lombarda Piemontese » dei “Fratelli Bialetti”, 1932.
Dépôt de marque de la compagnie S.A. Metallurgica Lombarda Piemontese, 1934 [Source : OPAC].
Ce que l’on apprend en fouillant un peu, c’est qu’en 1928 existait en France un modèle de cafetière en aluminium très similaire à celui d’Alfonso (et même dès 1926 si cette « cafetière Express » était la même que celle produite par les établissements Erco, d’Aisnières).
Article sur le Salon des Arts Ménagers de la foire de Paris, journal Le Gaulois, 19 mai 1926.
Publicité pour la Cafetière « Express », revue Rustica (Revue universelle de la campagne), 1928.
Cafetière Express en aluminium, Base des brevets dessins et modèles, 1929 [source INPI].
La cafetière en aluminium annoncée dans la revue « Rustica » (Revue Universelle de la campagne) correspond en tous points au modèle « Cafetière en aluminium dite "Express" » (le manche en moins) déposé par un certain J.-P. Balbo (197, rue Saint-Martin, Paris) le 30 janvier 1929.
L’innovation d’Alfonso en 1933 est d’avoir trouvé un moyen de contrôler le flux de café sortant du filtre à l’aide d’une cheminée finissant en forme de champignon. Cet éclair de génie lui serait venu en regardant le principe d’une lessiveuse. Une lessiveuse française, fonctionnant sur un principe inventé en 1889 par François Proust (présentée à l’exposition universelle de Paris et vendue sous de nombreux noms : « La Française », « La Centrale », « La Préférée », etc.).
L’innovation d’Alfonso en 1933 est d’avoir trouvé un moyen de contrôler le flux de café sortant du filtre à l’aide d’une cheminée finissant en forme de champignon. Cet éclair de génie lui serait venu en regardant le principe d’une lessiveuse. Une lessiveuse française, fonctionnant sur un principe inventé en 1889 par François Proust (présentée à l’exposition universelle de Paris et vendue sous de nombreux noms : « La Française », « La Centrale », « La Préférée », etc.).
La lessiveuse Française (l’invention de François Proust) « avec tube injecteur au milieu », publicité de 1900.
Alors, toujours aussi italienne la Moka ?
De même pour la cafetière à piston dite « French press », on peut noter que les Français avaient depuis au moins 1892 la Caféolette de Louis Forest, cette cafetière très proche de la cafetière à piston, mais qui était plutôt destinée à être utilisée avec du lait. Elle a connu un grand succès entre 1900 à 1925, ce qui est certainement à l’origine du mot « French press ».
De même pour la cafetière à piston dite « French press », on peut noter que les Français avaient depuis au moins 1892 la Caféolette de Louis Forest, cette cafetière très proche de la cafetière à piston, mais qui était plutôt destinée à être utilisée avec du lait. Elle a connu un grand succès entre 1900 à 1925, ce qui est certainement à l’origine du mot « French press ».
Publicité pour « La ménagère », 1892 (à gauche) qui sera rebaptisée plus tard « Caféolette » de Louis Forest (à droite) journal « Recherches et inventions » (Paris), 01/02/1925.
Les Italiens de Melior, comme dans le cas de la Moka, n’ont fait que rajouter la petite touche qui l’aura rendue indémodable. Pas la « French touch », qui est plutôt du domaine de l’innovation, mais cette fameuse touche Italienne, dans la finition et le design, qui fait toute la différence.
Mais revenons aux Bialetti… il y a en effet deux sinon trois Bialetti : Alfonso, Cesare et Luigi. Luigi le père d’Alfonso, certainement à l’origine du premier atelier mécanique de Crusinallo, Alfonso formé en France aux techniques de l’aluminium qui eut l’éclair de génie devant le principe de fonctionnement de la lessiveuse de sa femme Ada, et Cesare… dont on ne sait pas grand-chose. Il faudrait enquêter sur le terrain, mais je pencherai pour l’hypothèse d’un Cesare frère d’Alfonso. Il travaillait à l’époque pour l’entreprise « Fratelli Bialetti » devenue Metallurgica Lombarda Piemontese (rattachée à la Montecatini) et, voyez-vous ça, était passionné de machines à café. Il serait notamment à l’origine de la Vesuviana (premier brevet Bialetti de l’histoire, déposé le 19/02/1946 par l’entreprise « S.A. Fratelli Bialetti » de Piedimulera).
Publicité de l’entreprise Juvara pour la cafetière « Vesuviana », années 50.
Dans un récit d’Ester Maimeri Paoletti qui se passe en 1944 et où elle raconte ses souvenirs de résistante, on retrouve le personnage de « papà Bialetti » (Cesare, père de son amie Alba) aux prises avec sa propre guerre : réussir à dompter l’aluminium pour en faire une cafetière domestique, faisant des essais expérimentaux dans sa propre cuisine où le risque d’explosion était bien présent (d’où, peut-être, son nom de volcan).1
Dépôt de marque de la compagnie O.M.G. « Brevetti Bialetti », 1953 [Source : OPAC].
Modèle Caffexpress de la compagnie O.M.G. « Brevetti Bialetti », années 50.
Le modèle « Vesuviana » a ensuite été commercialisé par OMG (S.A. Officine Meccaniche Gozzano « Brevetti Bialetti »), la même entreprise qui produira dans les mêmes années la « Caffexpress », un modèle très similaire à la Moka d’Alfonso. Ces machines en aluminium produites par OMG ont connu un succès international et étaient distribuées en France par Juvara dans les années 50.
On a donc un Bialetti (Alfonso) qui se trouve en France en pleine Première Guerre mondiale à apprendre les techniques de l’Aluminium, on a un Bialetti (Cesare) qui travaille à Piedimulera, en pleine Seconde Guerre mondiale, sur un modèle de cafetière en aluminium 2. On retrouve Cesare sur des brevets pour modèles (appareil à glaçon, moulin à café), dans les années suivantes, puis en France dans les années 50 sur un autre brevet de cafetière sur lequel nous reviendrons.
On a donc un Bialetti (Alfonso) qui se trouve en France en pleine Première Guerre mondiale à apprendre les techniques de l’Aluminium, on a un Bialetti (Cesare) qui travaille à Piedimulera, en pleine Seconde Guerre mondiale, sur un modèle de cafetière en aluminium 2. On retrouve Cesare sur des brevets pour modèles (appareil à glaçon, moulin à café), dans les années suivantes, puis en France dans les années 50 sur un autre brevet de cafetière sur lequel nous reviendrons.
Premiers modèles de cafetière d’Alfonso Bialetti (à gauche) et Cesare Bialetti (à droite). Au milieu, « La Bikinette », de source inconnue (collection de Lucio del Piccolo).
Pour épaissir le mystère, il existe un modèle de cafetière en aluminium qui est le parfait hybride entre la « Moka » (par son design octogonal ainsi que la poignée en bois du récipient à café) et la « Vesuviana » (par sa vis frontale et son groupe aux attaches identiques, faisant partis du brevet et modèle originaux) tout en ayant des similitudes avec le premier modèle de Girdano Robbiati (par son principe de fonctionnement avec le réservoir d’eau situé en dessous du pot). Giordano Robbiati avait déposé les premiers brevets pour sa cafetière dite « Atomic » les 14 et 18 septembre 1946 (IT26168 et IT25920) soit 7 mois après le brevet Bialetti (ITX251621 déposé le 19 février 1946).
Service à thé et à café « Hénin et frères », 1932.
Le modèle hybride Alfonso/Cesare (Moka Express/Vesuviana) s’appelle « La Bikinette »3, un nom vraisemblablement français (le mot « deposé » apparaissant en dessous, sur le manche du porte-filtre). Bikini, théâtre des essais nucléaires américains de juillet 1946, ce nom utilisé pour désigner le maillot de bain deux pièces dévoilé le 5 juillet 1946 par l’ingénieur Français Louis Réard et dont le précurseur été le maillot « Atome » créé en 1932 par Jacques Heim. Bikini/Atome, Bikini / début de l’aire atomique, Bikinette/Atomic… voilà un parallèle bien troublant. Tout ça ressemble à un jeu de piste, un jeu de mots diront certains, qui met en scène des cafetières en aluminium bien explosives à leurs débuts (au sens propre comme au figuré) et qui situe la Bikinette dans la deuxième moitié de 1946, tout comme la Vesuviana et l’Atomic.
En-tête de la compagnie de Gordiano Robiatti en 1953 (haut) et badges sur des modèles Atomic provenant de différents lieux (bas).
Dessin du modèle original de Giordano Robbiati (identique à celui apparaissant sur le brevet de 1946) et cafetière express en aluminium, modèle A.
Alfonso Bialetti était un ouvrier venant de l’industrie de l’aluminium s’étant intéressé au design pour son modèle de cafetière (inspiré dit-on des services à thé et café d’Hénin et frères, encore des français) alors que Giordano Robbiati était plutôt un designer de génie s’étant intéressé à l’industrie de l’aluminium pour réaliser ses créations (presse-agrume, appareil à glaçons, cafetières). Cela explique que Bialetti ait cherché à contrôler la production de ses cafetières, bâtissant même (sous l’égide de Renato) une usine ultra moderne dans les années 50, alors que Robbiati reposait sur plusieurs ateliers de production et accordait volontiers des licences à l’étranger (Autriche, Hongrie, Espagne).
Deux modèles différents qui ont connus tous deux un grand succès, à la différence près que la production des cafetières Robbiati s’est éteinte avec la disparition de leur créateur alors que la « Moka Express » est encore produite aujourd’hui par les descendants d'Alfonso. Les cafetières n’ont presque pas changées en 65 ans, toujours en aluminium, moulées et inspectées individuellement.
Deux modèles différents qui ont connus tous deux un grand succès, à la différence près que la production des cafetières Robbiati s’est éteinte avec la disparition de leur créateur alors que la « Moka Express » est encore produite aujourd’hui par les descendants d'Alfonso. Les cafetières n’ont presque pas changées en 65 ans, toujours en aluminium, moulées et inspectées individuellement.
Et pour finir, un petit clin d’oeil du si attachant bonhomme à moustache …
À suivre…
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1. Voici l’extrait en question (en italien) : «[...] ma anche in casa Bialetti c'è guerra, una guerra molto personale di papà Bialetti. Lui, il cavaliere Cesare,[*] ha una piccola fabbrica di manufatti metallici a Piedimulera e, dato che di questi tempi è più prudente starsene tappato in casa, passa il suo tempo a collaudare un nuovo tipo di caffettiera di sua invenzione. Non si può più andare in cucina senza il via libera; è pericoloso, ci si può trovare di colpo nel bel mezzo dell'esplosione e dell'eruzione di quel diabolico arnese. Immancabilmente, come arrivo, il cavaliere mi dice: «Ti preparo un buon caffè».
Con Alba e qualcuno dei suoi fratelli aspettiamo ridendo in salotto. Anche per questa volta niente caffè e la povera cucina, che ha assunto l'aspetto di un vero campo di battaglia, avrà qualche buco in più, segno dell'ennesimo fallimento di un'avveniristica caffettiera.
[*] Cesare Bialetti. A lui si deve l'invenzione della Vesuviana (in seguito diventerà la notissima Moka), della pentola a pressione, dello schiaccia-aglio. »
Maimeri Paoletti, « La staffetta azzurra. Una ragazza nella Resistenza. Ossola 1944-1945» - 2002.
2. À la fin de la guerre Renato, l’homme à moustache, était dans un camp en Allemagne, fait prisonnier à Mantova avec son bataillon, passé semble-t-il du côté des Alliés après l’Armistice du 8 septembre 1943. Il n’en reviendra qu’en 1945 pour relancer l’entreprise à grands renforts de publicités.
3. La « Bikinette » sur le blog de Lucio et photographiée par Mikael sur le sien Part 1, Part 2, Part 3 et Part 4.
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Salut,
Sur la photo "Image d’une fonderie dans les années 30" on dirait qu'ils utilisent des moules à sable avec cadre métallique puis en effet sur la seconde photo ils passent au moule totalement en fonte.
(l'idée du sable m'avait traversée l'esprit pour la fabrication de châssis)
Encore merci Seb pour ton superbe travail, c'est un plaisir à lire et encore plus au réveil.
Sur la photo "Image d’une fonderie dans les années 30" on dirait qu'ils utilisent des moules à sable avec cadre métallique puis en effet sur la seconde photo ils passent au moule totalement en fonte.
(l'idée du sable m'avait traversée l'esprit pour la fabrication de châssis)
Encore merci Seb pour ton superbe travail, c'est un plaisir à lire et encore plus au réveil.
dynamos- Date d'inscription : 04/12/2010
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Non ! Au réveil c'est trop pour moi !
Un régal en collation mi-matinale par contre
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zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
@dynamos oui, c'est exactement ça la technique qu'a ramené Alfonso Bialetti de France: la possibilité de réutiliser un moule au lieu d'avoir à en refaire un à chaque fois. C'est ça qui a ouvert la voie à la production en série et une baisse du prix de chaque pièce (liée alors au prix de l'aluminium qui n'a cessé de baisser à partir des année 30).
@zeb mais c'est pas les vacances en France ?
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Pour les enfants seulement Seb
zeb- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Bon allez, on n'a jamais été aussi près du dénouement...
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pootoogoo- Admin
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Ôde à l’Électricité (Acte III, adagio)
La machine à vapeur, invention qui a donné naissance à la révolution industrielle du XIXe siècle, présente des liens étroits avec l’histoire de la machine à café express. Les techniques permettant de fabriquer des chaudières sous pression, la marée de nouveaux ouvriers venant gonfler les villes, en manque de café et de temps pour le boire, et la hausse générale du niveau de vie sont autant de facteurs qui créeront à la fois le besoin pour un nouveau mode d’extraction du café, « meilleur et plus rapide », et les moyens techniques d’y parvenir.
Une autre grande invention attend l’express au tournant. Fruit des travaux successifs et remarquablement multinationaux d’illustres savants 1 l’invention du siècle suivant aura une incidence majeure sur la naissance de l’espresso. L’arrivée de l’électricité marquera en effet la naissance de l’espresso, moins par le développement des résistances de chauffe que par l’avènement du moteur électrique.
Une autre grande invention attend l’express au tournant. Fruit des travaux successifs et remarquablement multinationaux d’illustres savants 1 l’invention du siècle suivant aura une incidence majeure sur la naissance de l’espresso. L’arrivée de l’électricité marquera en effet la naissance de l’espresso, moins par le développement des résistances de chauffe que par l’avènement du moteur électrique.
Affiche de 1909 pour l’exposition internationale des applications de l’électricité.
L’Italie de 1900, comme toutes les nations « modernes » développe ses moyens de production électrique et des câbles fleurissent le long des routes du pays, entrainant avec eux une cohorte d’apprentis électriciens et d’inventeurs à la recherche d’applications pour cette toute nouvelle technologie. Ceux-ci vont littéralement la faire entrer dans les maisons, ce que n’avait pas réussi à faire la (trop) bruyante machine à vapeur.
Bouilloire électrique dessinée par Peter Behrens en 1909 et produite par AEG.2
Si l’on suit le fil « électrique » de l’histoire, la technologie touche d’abord les bouilloires. 3 Elles commencent à utiliser des résistances au tournant du XXe siècle et sont commercialisées par les grandes compagnies d’électricité (Siemens, General Electric, AEG, Edison et Swan). La chauffe électrique est intégrée à un percolateur de grand format en 1893 (produit par la General Electric Company); suivent Benjamin Joseph Barnard en 1908 avec une cafetière domestique et Marzetti en 1909, un des premiers à breveter l’utilisation de l’électricité pour chauffer l’eau des machines à café express. Son brevet couvre à peu près tous les types de cafetières de l’époque, ce qui explique peut-être que les brevets suivants n’arrivent que 10 ou 15 ans plus tard.
Publicité incitant à l’utilisation de cafetières électriques, vers 1930.
« Il faut être de son siècle », clame la publicité, promettant même un meilleur café. L’arrivée de l’électricité pour le chauffage des chaudières, remplaçant petit à petit le gaz et les lampes à esprit de vin est la seule avancée majeure dans l’évolution technologique des cafetières express, autant pour les machines à café de bar que pour les petites domestiques. Pour ces dernières, cela commence par la conversion des anciens modèles (Giussani, Oikos, Santini) par l’ajout d’une plaque chauffante en-dessous de la cafetière express ou en utilisant une résistance immergée pour les cafetières classiques (la « Termovelox », brevet Selvatico de 1919).
Appareil « Termovelox » de Selvatico pour le chauffage de l’eau, Brevet FR540487A de 1919. [Source : Espacenet]
Réchaud électrique, début XXe.
Publicité des années 20 pour les modèle Oikos et Giussani electrifiés ainsi que « termovelox » (brevet Selvatico de 1919).
Dans la foulée, de nouveaux modèles électriques sont commercialisés à grande échelle, comme la 'Mignonne' et la 'Tipo Famiglia' de Victoria Arduino (toutes deux crées en 1921 grâce au concours d’Oreste Bajma Riva)4 mais aussi le célèbre modèle « Velox » qui, à partir de 1925, est vendu à Paris par Pier Felice Concaro.
Cafetière « Velox » présentée au 2e Salon des appareils ménagers de Paris, Recherche et Inventions 1 février 1925. [Source : Gallica]
Publicité pour la cafetière électrique « Velox », Le Matin 30 novembre 1924. [Source : Gallica]
Dans les foires expositions, les cafetières express trouvent alors leur place aux côté dans transformateurs et autres frigidaires, luminaires ou moteurs électriques, tels les stands de Neowatt ou Victoria Arduino qui se retrouvent, entre 1930 et 1938, dans les pavillons consacrés à l’électricité ou l’électrotechnique.
Fiera di Milano - Campionaria 1934 – Padiglione dell'elettrotecnica - Sala interna [source: SIRBeC]
Fiera di Milano - Campionaria 1936 - Padiglione dell'elettrotecnica - Stand della Neowatt B.C. [source: SIRBeC]
Fiera di Milano - Campionaria 1938 – Padiglione dell'elettricità - Sala interna. [source: SIRBeC]
Fiera di Milano - Campionaria 1938 – Padiglione dell'elettricità - Sala interna. [source: SIRBeC]
Stand Victoria Arduino (en avant à côté de Fili Pagani) et Pavoni ? (au fond, en avant de Philips).
Fiera di Milano - Campionaria 1930 – Padiglione dell'elettrotecnica - Sala interna. [source: SIRBeC]
De fait, la véritable déferlante « express électrique » ne se fait qu’à partir des années 20 et est issue de compagnies travaillant aussi à la production des premiers chauffe-eau et poêles électriques à une époque où, incontestablement, les normes de sécurité n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui.
Ainsi, on retrouve des noms de sociétés italiennes œuvrant autant sur des brevets ou des marques de cafetières que d’appareils pour l’équipement de salle de bain. Citons par exemple « Luigi Barbacini » (1918), la « Societa Elettrotermica Select (S.P.E.S.) R. Fioravanti & C. » (1919), « Cesare De Mattei e Ernesto Albano » (1920, un des frères De Mattei associé à la marque 'Torino Express'), la «Ditta Cavazzini & Casati» (1920), mais aussi Alfeo Bordoni auteur de plusieurs brevets de chauffage électrique intégré qui multiplie les sociétés et les dépôts de marques liées aux cafetières : 'S.E.S.' Ditta Bordoni & Giorgi (1922), 'L’orientale' Alfeo Bordoni (1923), 'La Brasiliana' Ditta Bordoni & Bettini (1924), 'Roma' Alfeo Bordoni (1931).
Ainsi, on retrouve des noms de sociétés italiennes œuvrant autant sur des brevets ou des marques de cafetières que d’appareils pour l’équipement de salle de bain. Citons par exemple « Luigi Barbacini » (1918), la « Societa Elettrotermica Select (S.P.E.S.) R. Fioravanti & C. » (1919), « Cesare De Mattei e Ernesto Albano » (1920, un des frères De Mattei associé à la marque 'Torino Express'), la «Ditta Cavazzini & Casati» (1920), mais aussi Alfeo Bordoni auteur de plusieurs brevets de chauffage électrique intégré qui multiplie les sociétés et les dépôts de marques liées aux cafetières : 'S.E.S.' Ditta Bordoni & Giorgi (1922), 'L’orientale' Alfeo Bordoni (1923), 'La Brasiliana' Ditta Bordoni & Bettini (1924), 'Roma' Alfeo Bordoni (1931).
Cafetière « Brasiliana » présentée au 2e Salon des appareils ménagers de Paris, Recherche et Inventions 1 février 1925. [Source : Gallica]
Brevets FR29595E, FR579985A et FR583000A de Bordoni, 1924. [Source: Espacenet]
Publicité pour des chauffe-eau électriques de la marque Roma, vers 1930.
Ce sont aussi les officines d’Angelo Torriani (marques 'Lutetia', 'Watt' et surtout 'Eterna'), A.M.E.R. de Pietro Borla (Apparecchi e Macchine Elettriche per Riscaldamento, 1924 5) ou A.P.R.E. (Applicazioni Pratiche Riscaldamento Elettrico, 1924) qui, à l’instar des grandes marques 'Victoria Arduino', 'La Pavoni' ou 'OMEGA' (Soc. An. Apparecchi Elettrici Macchine da Caffè Espresso 'OMEGA' de Scafi & C., 1930) se lancent dans l’électrification de grosses machines express et produisent leurs propres modèles.
Cafetière électrique de la marque A.P.R.E. présentée au 1e Salon des appareils ménagers de Paris, Recherche et Inventions 15 janvier 1924. [Source : Gallica]
Logo de la marque A.M.E.R., vers 1924, avec machine à café et cuisinière électrique.
Brochure de la marque A.M.E.R., vers 1924, présentant des cafetières, des chauffe-eau et des cuisinières électriques. 6
Publicité pour la marque Omega, vers 1920.
Brevets GB247345A et US1750068A de Torriani (marques Watt et Eterna) de 1926 et 1930.
Cafetière Eterna dans un café Parisien, vers 1930.
L’époque est aux changements, le bruit assourdissant des machines à vapeur (celui-là même qui dérangeait les voisins de Moriondo et Gariglio aux débuts de leur entreprise7) va bientôt faire place aux ronrons des premiers moteurs électriques… sentez-vous l’odeur de café fraichement moulu?
À suivre…
À suivre…
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1. Benjamin Franklin (américain, 1706-1790), Alessandro Volta (italien, 1745-1827), André-Marie Ampère (français, 1775-1836), Hans Christian Ørsted (danois, 1777-1851), Georg Simon Ohm (allemand, 1789-1854), Michael Faraday (britannique, 1791-1857), Joseph Swan (britannique, 1828-1914), Thomas Edison (américain, 1847-1931) et Nikola Tesla (serbe, 1856-1943).
2. Au risque de me faire reprocher une trop grande généralisation… je l’ajouterais à la liste des inspirations potentielles de Bialetti : au vu du style de cette bouilloire, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec celui de la « Moka ». Tant qu’à y être, je me suis fait une réflexion similaire en tombant sur l’ «Auto-Thermos» : premier autocuiseur, fait d’aluminium et de bakélite avec soupape de sécurité, produit à Boulogne sur Seine entre 1927 et 1935. Je me demande si ce ne sont pas là les ateliers où Alfonso aurait travaillé. J’encourage les sceptiques à aller constater que ces mêmes ateliers produisaient aussi une cafetière sous pression, le «Perco-Thermos».
3. Voir l’évolution de cette technologie sur « A History of the Electric Kettle », un site britannique, vous vous en doutiez.
4. Voir l’histoire de la Victoria Arduino, «Les bleus du petit noir… hasta La Victoria».
5. Voir l’histoire de Zenith Express, «La Marseillaise - Histoire de la marque Zenith Express» .
6. Merci à Pascal pour avoir scanné ce précieux document.
7. Voir l’histoire d’Angelo Moriondo, «Angelo et la Chocolaterie».
Dernière édition par pootoogoo le Dim 31 Jan 2016, 15:23, édité 1 fois
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pootoogoo- Admin
- Date d'inscription : 20/01/2012
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Ça fait du bien un peu de bonne lecture dès le matin.
Merci Seb
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dynamos- Date d'inscription : 04/12/2010
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Je repasserai pour lire en détail mais c'est super. Merci.
Gérard JEAN- Prof'spresseur
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
une nouvelle page d'histoire, continue tonton Pootoogoo.
unptitgab- Date d'inscription : 20/12/2015
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
Un régal au p'tit dej ! Puis tant que ça reste marqué à " suivre " on en attend encore
zeb- Admin
- Date d'inscription : 01/03/2010
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Re: Du «café express» à la naissance de l’«espresso»
merci pour cette ode à la fée électrique
LELITOR- Date d'inscription : 12/02/2015
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tnt2mtb- Date d'inscription : 11/10/2015
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